Au plus bas dans les sondages et attaqué inlassablement sur plusieurs fronts ces derniers mois, le premier ministre Jean Charest juge l'heure venue d'apporter quelques changements au sein de son équipe, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne.

Il procédera, dans un premier temps, à un remaniement majeur de son cabinet d'ici la fin juin. De plus, des changements de personnel sont à prévoir dans les cabinets ministériels, particulièrement ceux ayant montré des failles au cours des derniers mois. Enfin, à l'automne, un jeu de chaises musicales affectera cette fois les sous-ministres.

Avec ce brassage de cartes, le premier ministre voudra démontrer que son gouvernement peut encore rebondir et présenter un visage de renouveau, après des mois d'allégations de corruption et de favoritisme.

M. Charest a donc entrepris, ces dernières semaines, des consultations, en vue de présenter aux Québécois un nouveau tableau de son équipe.

Et même si le résultat final demeure inconnu, l'esquisse commence à prendre forme.

Ainsi, selon diverses sources proches du premier ministre, il semble désormais acquis qu'au moins trois ministres influents devront accepter de changer de chaise.

Les jours de Michelle Courchesne à l'Éducation sont donc comptés, tout comme ceux d'Yves Bolduc à la Santé, et de Julie Boulet, aux Transports.

Au cabinet du premier ministre, où elle n'a pas que des amis, Mme Courchesne était déjà connue pour son caractère instable. Le fait de s'être mis à dos tout le milieu de l'éducation avec ses modifications, en catimini, du calendrier scolaire pour accommoder quelques écoles juives, n'a pas joué en sa faveur.

Recruté pour régler les problèmes d'engorgement dans les salles d'urgence et diminuer les listes d'attente, Yves Bolduc n'a pas réussi à livrer la marchandise, ni à rassurer la population. On lui trouvera un nouveau défi, ce qu'il s'est dit prêt à accepter.

Par contre, Line Beauchamp, à qui on reconnaît un parcours sans faute au Développement durable, jouit de toute la confiance du premier ministre et devrait être promue à la Santé ou à l'Éducation.

Julie Boulet demeurera au conseil des ministres, mais loin des Transports, où elle a eu du fil à retordre ces derniers temps, notamment avec les allégations de corruption dans l'octroi de contrats, le coût soi-disant plus élevé de la construction des routes au Québec et ses querelles avec Montréal sur l'échangeur Turcot.

Jacques Dupuis, reconnu pour son ton cassant et ses airs de bagarreur en Chambre, perdrait son rôle de leader parlementaire, au profit du whip, Pierre Moreau. M. Dupuis n'était déjà pas le premier choix de M. Charest comme leader, lors de la formation de son cabinet en 2008.

Claude Béchard, de retour la semaine dernière de plusieurs mois de convalescence, a obtenu l'assurance qu'il resterait au conseil des ministres. M. Béchard, qui combat un cancer, a toujours la confiance de M. Charest, cependant, compte tenu de sa santé fragile, son fardeau sera fortement allégé. Aussi, il devrait perdre l'Agriculture et la Réforme des institutions démocratiques, mais conserver son titre de ministre des Affaires intergouvernementales.

S'il veut changer l'image de son gouvernement, M. Charest veut surtout, à l'approche de la mi-mandat, planter le décor des prochaines élections générales, en faisant les choix qui augmenteront les chances du PLQ de conserver certaines circonscriptions, disent des sources libérales.

Ainsi, la région de la Beauce, une des dernières où le vote adéquiste est encore solide, pourrait voir le ministre du Revenu, Robert Dutil, député de Beauce-sud, monter en grade.

D'autant plus qu'il avait pris la relève de Claude Béchard durant sa longue convalescence et que ses services ont été appréciés en haut lieu.

Il faut dire que l'exercice est délicat pour le premier ministre, qui dispose d'une marge de manoeuvre fort limitée, en raison de sa majorité fragile. En termes clairs, il ne peut pas se permettre de voir quelques ministres claquer la porte et provoquer des élections complémentaires.

M. Charest cherchera donc, tout en annonçant un «rebrassage» majeur, à éviter de faire trop de vagues.

À ce jour, le seul ministre apparemment disposé à retourner sur la banquette arrière serait Norman MacMillan, délégué aux Transports.

Celle qui compte 70 ans bien sonnés, Monique Gagnon-Tremblay, pourrait songer à couler des jours plus paisibles qu'à l'Assemblée nationale, mais sa circonscription, Saint-François, est jugée présentement par les libéraux comme une proie beaucoup trop facile à prendre pour les péquistes. Elle demeurera donc au Trésor et en charge des négociations avec le secteur public.

Raymond Bachand restera aux Finances, et devra s'appliquer à «vendre» à la population les mesures les moins populaires de son budget, soit la cotisation-santé et la contribution-santé.

Comme elle le souhaite, Nathalie Normandeau conservera les Ressources naturelles. Elle pilotera cet automne un important projet de loi sur l'exploration éventuelle des hydrocarbures. Mais surtout on lui demandera de rendre enfin plus crédible et concret le Plan Nord, qui tient à coeur au premier ministre.

Pour créer cette image de renouveau, M. Charest veut aussi faire monter au cabinet quelques députés, sans pour autant augmenter la taille du conseil des ministres, qui compte déjà 25 membres.

Éternel abonné des rumeurs de remaniement, Alain Paquet pourrait avoir enfin sa chance. De son côté, Geoff Kelley pourrait revenir au cabinet et prendre en charge le dossier autochtone, où il a déjà fait bonne figure.

En accédant au cabinet, Michel Pigeon (Charlesbourg) pourrait soulager Sam Hamad, qui cumule l'Emploi et le Travail, et montrer toute l'importance que le premier ministre accorde à la capitale.

Si M. MacMillan quitte le cabinet, une place pourrait éventuellement être faite à Stéphanie Vallée (Gatineau), à la fois pour représenter l'Outaouais et diminuer l'écart à atteindre pour la parité hommes-femmes.

Clément Gignac, pourrait rester au Développement économique et Yolande James à l'Immigration, Dominique Vien (Services gouvernementaux) pourrait monter en grade, mais pas Nicole Ménard (Tourisme).