Existe-t-il une identité canadienne? Oui, répond Michael Adams, président de la firme de sondage Environics. «L'identité du Canada, c'est celle d'une place où la diversité est une occasion, pas un problème, et où on est accommodant pour l'autre.»

Il n'existerait donc pas un «nous» canadien bien circonscrit. Le Canada serait plutôt défini par une valeur commune: celle de laisser chacun fleurir à sa façon. M. Adams va encore plus loin: «Le multiculturalisme est notre identité nationale.»

 

Et c'est une bonne chose, croit Antonia Maioni, directrice de l'Institut d'études canadiennes de McGill. «Chercher une identité n'est pas la bonne façon de voir les choses», soutient-elle.

Elle se souvient de la conférence des «grands penseurs» du Parti libéral du Canada organisée à Montréal au printemps. «Plusieurs cherchaient à définir le Canada, à lui accoler une marque. Je trouvais cela désolant. Un pays n'est pas une boîte de céréales qu'on essaie de vendre, c'est une entité complexe et multiple.»

Le pluralisme empêche-t-il toute possibilité d'identité canadienne? Jean-François Lisée ne le croit pas. «Bien sûr qu'il existe une identité canadienne, lance-t-il. La difficulté, c'est de la définir. La romancière Margaret Atwood a dit que le fondement de notre identité était la survivance aux éléments, au temps et à l'énorme pôle d'attraction états-unien», indique l'ancien conseiller de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et blogueur à L'actualité.

Pas comme le voisin

En 1993, The Economist a décrit le Canada ainsi: «Des États-Unis avec un système de santé public et sans fusils.» Les Canadiens se sont en effet toujours un peu définis par ce qui les distingue de leur voisin géant. «C'est passé du chemin de fer à la CBC à l'assurance maladie», rappelle M. Lisée.

Distinguer ces deux cultures est toutefois plus difficile. La culture pop canadienne se fond souvent dans l'américaine. Des artistes qui réussissent, comme Neil Young ou Michael J. Fox, s'établissent aux États-Unis assez longtemps pour qu'on oublie leur passeport original. Toronto a même calqué le Walk of Fame d'Hollywood, rappelle M. Lisée.

A-t-on tort d'opposer le Canada aux États-Unis? Antonia Maioni pense que oui. «C'est naïf. Cela suppose que les États-Unis sont un pays uniforme. Or, leurs différences régionales sont encore plus fortes que les nôtres.»

Ce serait naïf, et aussi suranné. Dans son essai Fire&Ice, Michael Adams soutient que les Canadiens se différencient de plus en plus des Américains. «On se définissait auparavant dans l'ombre des empires. Mais depuis 50 ans, on sort du colonialisme, on devient notre propre trajectoire exceptionnelle.»

L'identité, une chose récente

Au début des années 60, le Canada n'avait pas encore de drapeau ni d'hymne national. Et la fête du Canada se célébrait très peu, explique M. Lisée. «Pour les étrangers, l'identité canadienne existe depuis longtemps. Mais pour les Canadiens eux-mêmes, c'est une chose beaucoup plus récente. L'acte de naissance du Canada moderne est la Charte des droits et libertés de 1982.»

Selon le souverainiste, au-delà du pluralisme, les Québécois et les autres Canadiens possèdent des valeurs communes et distinctes. «Dans un sondage mené en 1990, on a constaté que la différence entre ces deux groupes était aussi importante que la différence entre les Français et les Allemands. La question où la distinction était la plus nette était: que choisissez-vous entre le plaisir et le devoir? Les Québécois optaient pour le plaisir, et les Canadiens pour le devoir. Peut-être est-ce la faute du protestantisme.»

On n'est pas loin du cliché du Canadien aussi agité que les eaux glaciales des Rocheuses. Michael Adams s'attaque à cette image. «L'image des Rocheuses, des orignaux et de la police montée est révolue. Aujourd'hui, les Canadiens, c'est le Cirque du Soleil, Juste pour rire, Russell Peters et la montée des autochtones.»