Le gouvernement Harper a confirmé hier son intention d'acheter 65 avions militaires F-35 de la firme Lockheed Martin. Le coût: 9 milliards de dollars, sans compter les milliards de plus qui seront nécessaires pour l'entretien des appareils.  

Les partis de l'opposition ont fortement critiqué cette décision. Ils estiment que le fait qu'il n'y ait pas eu d'appel d'offres - une information que réfute Ottawa (voir capsule) - constitue un manque de transparence et doutent que le Canada ait besoin d'avions de combat d'une telle envergure.

En conférence de presse, les ministres de la Défense, de l'Industrie et des Travaux publics ont répliqué en faisant miroiter des retombées économiques importantes pour l'industrie aéronautique canadienne.

«Grâce à la décision du Canada d'acheter maintenant, les entreprises canadiennes auront la chance de soumissionner sur des contrats et de participer à la production de la flotte au complet, évaluée à quelque 3000 appareils», a plaidé le ministre de la Défense, Peter MacKay.

Selon lui, depuis 2002, la participation d'Ottawa au programme de mise au point de cet appareil a déjà apporté plus de 350 millions de dollars en contrats à quelque 85 entreprises, universités et laboratoires canadiens.

La livraison des nouveaux appareils, qui remplaceront les F-18, devrait débuter vers 2016.

Le coût de l'entretien des F-35 par Lockheed Martin demeure toutefois inconnu: la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, a déclaré hier que cette partie du contrat reste à mettre au point. Les sommes les plus souvent évoquées au cours des derniers jours étaient de l'ordre de 6 à 7 milliards de dollars en 20 ans.

Manque de transparence

Les bruits au sujet de ces acquisitions circulaient depuis un certain temps déjà à Ottawa, et les partis de l'opposition ont formulé leurs critiques à plusieurs reprises. Ils les ont réitérées, hier. «Ce que les Canadiens veulent savoir, c'est: avons-nous besoin de ces avions? Avons-nous besoin de cette quantité d'avions? Quelle est la raison d'être de ces avions? Nous avons un déficit de 54 milliards de dollars. Chaque décision doit être justifiée», a martelé le chef libéral, Michael Ignatieff.

M. Ignatieff a répété qu'il réviserait le contrat s'il prend le pouvoir. Pour l'instant, il réclame que le contrat fasse l'objet d'une étude en comité parlementaire.

Le NPD a lui aussi dénoncé ce qu'il a décrit comme un manque de transparence de la part du gouvernement Harper. «Cette annonce se fait même s'il a récemment dépensé 2,6 milliards pour la mise à niveau des chasseurs CF-18, a dénoncé la formation de Jack Layton dans un communiqué de presse. Le contrat avec Lockheed Martin n'a pas fait l'objet d'un appel d'offres et la décision a été prise sans qu'il y ait eu consultation avec le Parlement.»

Le Bloc québécois, quant à lui, a réclamé que le Québec obtienne sa juste part des retombées économiques liées à l'entretien. «Trop souvent au cours des derniers contrats militaires en aérospatiale, nous avons constaté le laxisme du gouvernement conservateur quant aux retombées économiques. Des milliards de dollars échappent ainsi aux entreprises québécoises qui représentent pourtant plus de 55% des emplois de l'industrie aérospatiale canadienne», a souligné le porte-parole du Bloc québécois en matière de Défense, Claude Bachand.

Le gouvernement Harper a fait valoir que toutes les régions du Canada bénéficieraient de retombées économiques, sans préciser de pourcentage.

À la conférence de presse d'hier, les ministres ont en outre rappelé que le choix de Lockheed Martin pour la mise au point d'un appareil dans le cadre du Programme d'avion d'attaques interarmées remonte à 2001. Ce programme est mené avec plusieurs autres pays, dont les États-Unis. Or, comme cette décision avait à l'époque suivi un processus «concurrentiel complexe et de longue durée» et que les libéraux étaient alors au pouvoir, le ministre de la Défense a qualifié les critiques de l'opposition d'hypocrites et de cyniques.