La race et l'origine ethnique ne devraient pas faire partie des critères de sélection lorsque vient le temps d'obtenir un emploi au sein du gouvernement fédéral.

C'est du moins ce qu'ont affirmé des ministres conservateurs, qui ont demandé, jeudi, un examen des procédures d'embauche dans la fonction publique qui, actuellement, favorise les candidats qualifiés issus de groupes minoritaires.

Selon les conservateurs, le fait de favoriser des candidats venant d'un groupe ou d'un autre est injuste.

«Il m'apparaît inapproprié, à bien des niveaux, de ne pouvoir présenter sa candidature à un poste au sein de votre gouvernement, qui est financé par vos impôts, parce que vous n'appartenez pas à un groupe racial ou ethnique reconnu», a déclaré le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, en entrevue jeudi.

Mais le syndicat qui représente les employés gouvernementaux note que seulement une fraction des emplois sont restreints à certains groupes. Des statistiques de l'Alliance de la Fonction publique du Canada indiquent que des 5000 emplois affichés en 2008, seulement 91 étaient réservés à un groupe spécifique.

«Je pense que les chiffres parlent d'eux-mêmes», a réagi Patty Ducharme, vice-présidente exécutive du syndicat.

«Dans la fonction publique fédérale, si vous n'êtes pas un membre de la population dominante, c'est difficile de se faire embaucher, c'est difficile d'obtenir une promotion, et c'est difficile, en fait, d'y faire carrière.»

Avant que des politiques de «discrimination positive» ne soient mises de l'avant, les minorités visibles, incluant les autochtones, étaient sous-représentées au sein de la fonction publique.

Le gouvernement fédéral se base sur des données de Statistique Canada pour déterminer combien de citoyens de chaque groupe appartiennent à la main-d'oeuvre du pays. Ces chiffres permettent au gouvernement de connaître la proportion de représentation de chaque groupe à l'intérieur de bureaucratie fédérale.

Les plus récentes données gouvernementales démontrent que plus de femmes, d'autochtones et de minorités visibles ont travaillé au sein de la fonction publique l'an dernier par rapport à l'année précédente. Le nombre de travailleurs aux prises avec un handicap est resté le même.

Les statistiques indiquent aussi que trois de ces quatre groupes sont surreprésentés au sein du gouvernement fédéral par rapport à l'ensemble de la main-d'oeuvre canadienne.

En date de mars 2009, les femmes formaient 54,7 pour cent de la fonction publique fédérale, alors que la proportion de femmes composant la main-d'oeuvre du pays s'élève à 52,3 pour cent.

On comptait également au sein de l'appareil gouvernemental une proportion plus élevée d'autochtones (4,5 pour cent comparativement à 3 pour cent) et de travailleurs atteints d'un handicap (5,9 pour cent par rapport à 4 pour cent).

Cependant, la proportion de travailleurs issus des minorités visibles était inférieure au sein du gouvernement fédéral (9,8 pour cent) que dans l'ensemble de la main-d'oeuvre du pays (12,4 pour cent).

L'annonce est survenue moins de 24 heures après la démission de Munir Sheikh, statisticien en chef du Canada, en réaction à la décision du gouvernement conservateur d'éliminer le questionnaire détaillé obligatoire du recensement de la population canadienne.

Le dossier du recensement a causé bien des maux de tête aux conservateurs depuis le début de l'été, alors que des organisations regroupant des hommes d'affaires et des médecins, entre autres, ont critiqué leur décision d'abolir le questionnaire détaillé en faveur d'un formulaire à remplir sur une base optionnelle.

Mais M. Kenney ne s'attend pas à pareilles réactions dans le cas de changements aux pratiques d'embauche du fédéral.

«Je pense que la plupart des Canadiens possèdent un sens inné de l'équité. Et ils se hérisseraient à l'idée que leur gouvernement ne permette pas à quelqu'un de postuler pour un emploi au gouvernement en raison de sa race ou de son origine ethnique», a-t-il affirmé.

Le député néo-démocrate Pat Martin a qualifié cette décision «d'attaque de face contre la discrimination positive.»

«C'est de la paranoïa de leur part, cependant, parce que nous sommes très loin de l'équité en matière de main-d'oeuvre de la fonction publique.»

Michael O'Shaughnessy, un porte-parole du chef libéral Michael Ignatieff, a accusé les conservateurs de s'ingérer dans la fonction publique pour faire plaisir à leur base conservatrice.