Les entreprises aéronautiques canadiennes obtiendront leur juste part des retombées économiques de l'achat par le gouvernement de 65 avions de chasse F-35, affirme le ministre de l'Industrie, Tony Clement.

Mieux encore, ces entreprises auront la chance de participer à la construction de quelque 3000 avions au cours des 40 prochaines années grâce au projet Joint Strike Fighter F-35. C'est que huit pays participent avec le Canada à la mise au point de cette nouvelle génération d'appareils, qu'ils achèteront ensuite. Quelque 2000 autres appareils pourraient aussi être vendus à d'autres pays, selon M. Clement.

Selon la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, les entreprises canadiennes pourraient éventuellement décrocher l'équivalent de 12 milliards de dollars en contrats, soit plus que les 9 milliards que coûteront les F-35 au gouvernement canadien.

À la rescousse du premier ministre

Geste rarissime, M. Clement, Mme Ambrose et le ministre de la Défense nationale Peter MacKay ont comparu hier devant un comité parlementaire afin de défendre la décision controversée du gouvernement Harper d'accorder ce contrat militaire, le plus important de l'histoire canadienne, à l'entreprise américaine Lockheed Martin. Ces appareils doivent remplacer la flotte vieillissante de CF-18. Les premiers avions devraient être livrés en 2016.

Ce contrat a soulevé la controverse pour deux raisons. D'une part, il a été accordé sans appel d'offres. D'autre part, contrairement aux achats militaires précédents, ce contrat ne contient aucune clause obligeant Lockheed Martin à investir au Canada une somme équivalente à la valeur du contrat au cours des 20 prochaines années.

Résultat: l'industrie aéronautique canadienne, dont 55% se trouve au Québec, devra jouer du coude pour avoir sa part du gâteau.

Devant le comité, hier, le ministre Clement a reconnu que le gouvernement Harper n'avait pas observé les façons de faire habituelles, mais il a soutenu que le Canada n'aurait pu participer au projet Joint Strike Fighter F-35 s'il avait exigé des retombées industrielles pour les entreprises canadiennes.

En revanche, selon lui, le gouvernement permet aux entreprises canadiennes de participer à la chaîne d'approvisionnement mondiale, ce qui leur ouvre la porte à plus de contrats, selon lui.

«Le contrat offre des débouchés sans précédent aux entreprises canadiennes. Elles peuvent désormais se tailler une place dans les chaînes d'approvisionnement mondiales qui moduleront les secteurs de l'aérospatiale et de la défense au cours des 40 prochaines années», a dit M. Clement. Il a précisé que les entreprises canadiennes ont déjà obtenu l'équivalent de 350 millions de dollars en contrats jusqu'ici.

Le ministre a aussi affirmé que les entreprises canadiennes pourront soumissionner le contrat d'entretien des F-35, évalué à 9 milliards.

«Le Canada a besoin de ces avions. Ces appareils vont permettre aux Forces canadiennes de répondre aux demandes complexes qui découlent des missions que nous leur confions. Nous en avons besoin pour protéger notre souveraineté, pour patrouiller nos espaces aériens et pour faire notre part au sein de l'OTAN et de NORAD», a pour sa part dit le ministre MacKay.

La ministre Ambrose a précisé que le gouvernement de Jean Chrétien avait décidé en 1997 que le Canada participerait au projet Joint Strike Fighter F-35. Lockheed Martin a été choisi comme constructeur de l'appareil en 2001. Cette décision, qu'elle a saluée à quelques reprises hier, permettra au Canada de réaliser des économies.

«Un optimisme débridé», selon l'opposition

«On assiste à une première, a dit le député bloquiste Claude Bachand. C'est la première fois qu'on renonce à la garantie qu'il y aura des retombées économiques ici, au Canada, dans nos industries. Les ministres font preuve d'un optimisme débridé. Quels seront les recours si Lockheed Martin, dans la chaîne, dit: "Non, ce sont les autres entreprises qui auront les contrats"? Il y a d'autres pays qui sont préoccupés par cela, comme Israël et l'Australie. (...) On laisse nos compagnies dans le vent.»

Il a pressé le gouvernement Harper de rouvrir le contrat pour y faire inclure une clause de retombées régionales, mais les ministres ont soutenu que cela était impossible.

Le député libéral Dominic LeBlanc a affirmé que l'adjudication d'un contrat sans appel d'offres va à l'encontre des intérêts des contribuables canadiens et fait gonfler le prix des avions. Il a réitéré que, si les libéraux prennent le pouvoir aux prochaines élections, ils suspendront le contrat, le temps d'évaluer les besoins des militaires.

«En ne lançant pas un appel d'offres et en éliminant l'obligation de Lockheed Martin de créer du travail pour les Canadiens, le gouvernement conservateur a manqué à son obligation de s'assurer que les contribuables et les travailleurs canadiens obtiennent le meilleur arrangement possible», a dit M. LeBlanc.