En froid avec les hautes instances du Parti libéral du Canada, pour lequel il milite depuis près de 30 ans, Denis Coderre prépare sa sortie: il laisse entendre que la mairie de Montréal ou la direction des libéraux provinciaux l'intéressent fortement.

Alors que son chef, Michael Ignatieff, exposait ses priorités devant environ 200 militants lundi soir à Outremont, son ancien lieutenant québécois était l'hôte, dans sa circonscription de Bourassa, d'un cocktail de financement pour lequel il a vendu entre 300 et 400 billets à 200$ pièce.

Au cours de la soirée, M. Coderre a indiqué à ses invités qu'il entendait représenter le PLC dans Bourassa aux prochaines élections (qui pourraient venir dès le printemps prochain), mais qu'il serait très réceptif à toute offre venant de la mairie de Montréal ou des libéraux provinciaux à Québec.

Selon nos sources, Denis Coderre, qui est député du PLC depuis 1997, a ouvert toute grande la porte à un changement de carrière. Il a aussi beaucoup insisté sur sa «fierté d'être québécois» et a annoncé à tous qu'il n'accepterait dorénavant que des dons de 200$ et moins.

Parmi les personnes présentes à la Casa del Mare, à Montréal-Nord, on a vu le sénateur Francis Fox, figure libérale incontournable à Montréal, le député libéral de Chomedey à l'Assemblée nationale, Guy Ouellette, et plusieurs candidats libéraux annoncés pour les prochaines élections. Autre figure montréalaise dominante, Alain Simard, le président de Spectra et instigateur notamment du Festival de jazz de Montréal, y était aussi.

Projets à long terme

Joint hier par La Presse, M. Coderre a affirmé qu'il porterait la bannière libérale aux prochaines élections fédérales et qu'il était prématuré de parler de ses projets à long terme. Mais il a refusé de fermer la porte à une carrière qui pourrait le conduire ailleurs qu'à Ottawa.

«Je vais toujours travailler pour protéger les intérêts de mes concitoyens, a-t-il dit. Je suis prêt à servir. J'ai toujours travaillé fort pour le Québec parce que je suis un député du Québec. Si je ne le fais pas, qui va le faire? C'est sûr que je suis nationaliste et que je vais travailler pour les intérêts du Québec.»

«L'avenir va me dire ce que je vais faire, mais je m'en vais encore comme député de Bourassa aux prochaines élections fédérales. Il n'y a pas d'élections municipales avant trois ans; il n'y aura probablement pas d'élections provinciales avant quatre ans... C'est beaucoup trop prématuré. Je trouve cela flatteur que les gens m'en parlent, mais on n'est pas pressé.»

Denis Coderre a quitté avec fracas son poste de lieutenant québécois du PLC, il y a un an, en dénonçant la mainmise de l'establishment de Toronto sur son parti. À l'époque, M. Coderre souhaitait réserver la circonscription d'Outremont à une candidate de son choix, mais la direction du PLC avait finalement imposé Martin Cauchon, le vieux rival du bouillant député de Bourassa.

«Denis a compris que son accrochage avec le parti l'a rendu très populaire au Québec, mais très impopulaire à Ottawa et à Toronto. Il est brûlé, à Ottawa. La nouveauté, c'est qu'il l'a finalement compris», a glissé un organisateur libéral de longue date.

«Denis aime la politique et le pouvoir. S'il ne peut être empereur à Rome, il préférera être chef ailleurs», a ajouté un autre libéral de Montréal.

Des sources précisent que M. Coderre n'a pas volontairement cherché à faire ombrage à son chef en tenant un cocktail le même soir que sa rencontre chez Martin Cauchon. Ce cocktail était prévu depuis des semaines. C'est la visite de M. Ignatieff qui a été déplacée à la dernière minute, ce dont le bureau du chef se serait d'ailleurs excusé auprès de M. Coderre.

Des doutes au PLQ

Au Parti libéral du Québec, on doute fort de la venue de M. Coderre puisqu'il n'y a pas vraiment de racines, mais son entrée éventuelle dans une course vers la mairie de Montréal ne surprendrait personne.

Outre Denis Coderre, le nom de Gilbert Rozon circule comme éventuel candidat à la succession de Gérald Tremblay. Une bataille entre deux candidats aussi «médiatiques» mettrait sans aucun doute un peu de couleur dans le morne paysage électoral municipal à Montréal.