Le chef du Parti libéral Michael Ignatieff ne sent pas le besoin de former une coalition avec le NPD pour reconquérir le pouvoir. Il affirme que sa formation politique est déjà une coalition qui a fait ses preuves par le passé en rassemblant des Canadiens de toutes les tendances pour gouverner le pays.

M.Ignatieff rejette ainsi les accusations des conservateurs de Stephen Harper qui soutiennent depuis quelques semaines que les libéraux n'hésiteront pas à conclure une alliance avec les néo-démocrates, même s'ils mordent la poussière aux prochaines élections, dans l'unique but de prendre le pouvoir.

Dans une entrevue accordée à La Presse avant d'entreprendre une nouvelle tournée pancanadienne afin de répondre aux questions de gens ordinaires, M.Ignatieff s'est montré peu impressionné par la nouvelle stratégie des conservateurs.

«C'est encore la politique de la peur et de la division. Quelle coalition? Il n'y a pas de coalition. J'ai parlé tout l'été de la grande tente rouge qu'est le Parti libéral pour ouvrir les portes à tous les gens qui sont déçus du gouvernement. C'est cela, ma stratégie. Ce n'est pas de former une coalition. C'est d'être la coalition. Le Parti libéral est la coalition», a affirmé M.Ignatieff, rencontré à son bureau de la colline parlementaire.

«Il y a beaucoup de progressistes-conservateurs qui ne se reconnaissent plus dans ce gouvernement. Il y des verts, des néo-démocrates et des bloquistes qui auront un choix à faire éventuellement. S'ils veulent quatre ans de plus avec M.Harper, ils n'ont qu'à voter comme ils ont voté auparavant. Mais ils n'aimeront pas le résultat», a-t-il ajouté.

Le chef libéral a poursuivi en disant que s'il avait voulu diriger une coalition avec le NPD, il occuperait déjà le fauteuil de premier ministre depuis quelques mois et les troupes de Stephen Harper seraient reléguées aux banquettes de l'opposition.

«C'est moi qui ai dit non à la coalition avec le NPD. Je pourrais être dans un autre bureau aujourd'hui. Mais j'ai choisi autrement. Je suis un libéral», a-t-il affirmé.

En décembre 2008, le Parti libéral, alors dirigé par Stéphane Dion, avait conclu une entente de coalition avec le NPD et soutenue par le Bloc québécois après que les conservateurs eurent tenté de mettre fin à la subvention de l'État aux partis politiques. Stephen Harper a empêché la coalition de prendre le pouvoir en prorogeant le Parlement avant la tenue d'un vote de confiance. Lorsqu'il a pris les commandes du Parti libéral, quelques semaines plus tard, M.Ignatieff a mis fin au projet de coalition.

Malgré tout, le premier ministre Stephen Harper a déclaré en août que les Canadiens auront un choix clair aux prochaines élections, soit un gouvernement conservateur majoritaire et stable ou un gouvernement formé par la coalition du Parti libéral et du NPD et soutenu par le Bloc québécois.

Finances publiques

La semaine dernière, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a frappé sur le même clou dans un discours à forte saveur électorale devant le Cercle canadien d'Ottawa. Il a évoqué des scénarios catastrophiques si un gouvernement de coalition libérale-néo-démocrate prend le pouvoir.

Mais ces attaques ne semblent pas ébranler le chef libéral. En entrevue, M.Ignatieff a d'ailleurs lancé plusieurs flèches à l'endroit des conservateurs, affirmant qu'ils étaient en train de perdre toute crédibilité en matière de gestion des finances publiques.

À preuve, le gouvernement Harper a renoué avec les déficits après 12 ans d'équilibre budgétaire à Ottawa. Le déficit devrait d'ailleurs friser les 45 milliards de dollars cette année. Les exemples de gaspillage s'accumulent, a souligné M.Ignatieff. Les sommets du G8 et G20 ont coûté près de 1,2 milliard de dollars, une somme colossale. Les conservateurs sont aussi passés maîtres dans la propagande en triplant le budget de publicité à 130 millions de dollars, une dépense difficile à justifier en temps de restrictions budgétaires, toujours selon M.Ignatieff.

Pire encore, le gouvernement Harper a décidé d'accorder un contrat de 9 milliards de dollars pour l'achat de 65 avions de chasse sans appel d'offres et il veut construire de nouvelles prisons alors que le taux de criminalité diminue au pays.

«Ce premier ministre est dans une bulle à Ottawa et il est très loin des préoccupations des Canadiens. Ses priorités sont des avions de chasse, la construction de prisons, des baisses d'impôts pour des entreprises. Les conservateurs ont de mauvaises priorités», a dit M. Ignatieff.

Le chef libéral a entrepris sa nouvelle tournée du pays dans la circonscription d'Outremont lundi en compagnie de son candidat libéral, l'ancien ministre de la Justice Martin Cauchon.