Le gouvernement Harper et celui de l'Alberta font équipe avec l'industrie pétrolière pour mener un lobby secret, à l'échelle internationale, afin d'empêcher l'adoption de mesures susceptibles de nuire à l'exploitation des sables bitumineux au Canada.

C'est l'accusation que porte le Réseau action climat Canada, dans un rapport qui sera rendu public aujourd'hui et que La Presse a obtenu. L'organisme est un regroupement d'organisations de plusieurs horizons, dont le Syndicat canadien de la fonction publique, Greenpeace et Équiterre. «En utilisant les demandes d'accès à l'information, nous avons découvert une preuve d'une "stratégie de défense des sables pétrolifères" secrète menée par le ministère fédéral des Affaires étrangères, et avec des dirigeants travaillant aux États-Unis et dans l'Union européenne», ont écrit les auteurs. Ils notent cependant que certains des exemples soulevés ont déjà été rendus publics.

Trois initiatives récentes

Le rapport se penche sur trois initiatives récentes dans le cadre desquelles Ottawa a tenté d'empêcher que des mesures visant à combattre les changements climatiques ne touchent son industrie des sables bitumineux. Ces cas sont: la norme pour le carburant à faible teneur en carbone de la Californie, l'article 526 de la Loi sur l'indépendance et la sécurité énergétique des États-Unis ainsi que la Directive de l'Union européenne sur la qualité des carburants.

Dans le cas de la norme ambitieuse de la Californie pour combattre les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des carburants pour le transport, l'ancienne ministre des Ressources naturelles Lisa Raitt est allée jusqu'à brandir le spectre de différends commerciaux: la mesure «pourrait donner l'impression de créer une barrière commerciale injuste entre nos deux pays», a-t-elle écrit en avril 2009, dans une lettre adressée à l'ancien gouverneur Arnold Schwarzenegger.

Le même genre de rhétorique a été repris par l'ambassadeur canadien auprès de l'Union européenne (UE), Ross Hornby, pour tenter de dissuader l'UE d'étiqueter les sables bitumineux comme produisant une grande quantité d'émissions de GES, cette année et l'an dernier. M. Hornby n'est d'ailleurs pas le seul ambassadeur à avoir ainsi fait des démarches auprès de décideurs internationaux. Michael Wilson, qui représentait le pays à Washington jusqu'à 2009, a lui aussi multiplié les interventions dont celle, en février 2008, auprès du secrétaire américain de la Défense à propos de la disposition 526, susceptible d'interdire aux agences du gouvernement d'acheter du carburant provenant des sables bitumineux.

«Le Canada ne félicite nulle part dans la lettre les États-Unis pour avoir pris des mesures pour réduire les impacts sur l'environnement de l'approvisionnement en combustible de leur gouvernement, dénonce le rapport. L'ambassadeur écrit seulement pour expliquer que le Canada ne voudrait pas voir d'interprétation de l'article 526 qui entraînerait l'exclusion du pétrole extrait des sables bitumineux.»

Réseau action climat estime l'ensemble de cette stratégie déplorable. «Le Canada ne fait plus qu'exporter de l'huile sale; nous exportons également des politiques sales», ont déploré les auteurs.

- Avec Malorie Beauchemin