Le patron de la compagnie LM Sauvé affirme avoir remis des dizaines de milliers de dollars à un «lobbyiste», tout en présumant qu'une partie de l'argent serait redistribuée à des membres du gouvernement fédéral pour l'aider à obtenir un lucratif contrat de construction.



Paul Sauvé a comparu devant un comité parlementaire à Ottawa mardi, pour la première fois depuis qu'il a été rapporté qu'il avait payé 140 000$ au militant conservateur Gilles Varin, pour qu'il l'aide à obtenir le contrat de réfection de l'édifice de l'Ouest du parlement.

Au cours de son témoignage de deux heures, l'entrepreneur a décoché plusieurs flèches, notamment au maire de Montréal, Gérald Tremblay, à l'ancien ministre des Travaux publics, Christian Paradis, et à la FTQ. Ils ont tous nié ce qui a été avancé.

En plus de réitérer ses affirmations selon lesquelles le crime organisé avait infiltré les milieux de la construction, de la politique et des syndicats, il a fait état de la présence d'un système de pots-de-vin, par lequel les entrepreneurs québécois seraient forcés de payer une commission de 3%, qu'il a désignée comme un kickback, pour obtenir des contrats de construction fédéraux.

Ces allégations ont semé la consternation parmi les partis de l'opposition, à un point tel qu'ils ont adopté en comité une motion réclamant un moratoire sur les travaux de rénovation en cours sur la colline parlementaire. Cette motion devrait passer au vote à la Chambre des communes dans les prochains jours. «Ça me rend malade de penser que la manière dont vous devez agir pour avoir un contrat à Ottawa est de graisser les bonnes pattes», a déploré le membre néo-démocrate de ce comité permanent sur les opérations gouvernementales, Pat Martin.

Varin contredit

Le contrat en question est celui qui a été accordé en 2008 pour la somme de 9 millions, et sur lequel la GRC mène présentement une enquête. LM Sauvé a été écarté du chantier au printemps 2009, après avoir déclaré faillite.

Paul Sauvé affirme avoir payé 140 000$ au cours de cette période à Gilles Varin, sympathisant conservateur de longue date, afin qu'il l'aide à obtenir le contrat. Selon lui, les services fournis par M.Varin étaient bel et bien du lobbyisme, contrairement à ce que ce dernier a affirmé lors de son témoignage devant le même comité, il y a quelques semaines.

«Je présume, pour avoir entendu M.Varin dire à plusieurs reprises qu'il se promenait dans les corridors de l'hôtel de ville et du parlement avec des bottines de feutre, qu'il rétribuait ses agents», a ajouté mardi l'entrepreneur en construction de Montréal.

Il a cependant admis n'avoir aucune preuve. Il a néanmoins affirmé que trois personnes avaient été désignées chez les conservateurs comme étant susceptibles de l'aider à parvenir à ses fins: le sénateur Pierre-Claude Nolin, son adjoint Hubert Pichet et celui qu'il a désigné comme étant le «meilleur ami de Jean Charest», François Pilote. Il a aussi reconnu avoir rencontré Bernard Côté, un adjoint de l'ancien ministre des Travaux publics, Michael Fortier.

Paul Sauvé a expliqué que les paiements faits à Gilles Varin s'inscrivaient dans un système: il devait lui remettre au total 300 000$, soit 25 000$ pour avoir fait la courte liste des soumissionnaires et 275 000$ par la suite, à être versés après obtention du contrat. Selon M.Sauvé, la technique a porté ses fruits: «Parce que nous avons payé, nous avons reçu», a-t-il conclu.

Les membres conservateurs du comité ont avancé une autre explication, après avoir fait remarquer au témoin que mis à part ses propres allégations, il n'existait aucune preuve de corruption.

«Je peux comprendre votre désarroi, de vous être fait avoir par cet homme. Mais clairement, vous avez reçu ce contrat parce que vous étiez le plus bas soumissionnaire et parce que vous êtes parvenu à démontrer que vous étiez qualifié», a lancé le député Chris Warkentin.