Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a avisé le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, que Faisal Shahzad, cet Américain d'origine pakistanaise qui a tenté en vain de faire exploser une bombe à Times Square à New York le 1er mai, est venu à au moins trois reprises au Canada.

Dans une lettre confidentielle envoyée au ministre Toews peu de temps après l'arrestation de M. Shahzad, le directeur du SCRS, Richard Fadden, confirme que l'homme de 30 ans est venu au pays en juillet 2005, en novembre 2005 et en septembre 2007. Il aurait aussi obtenu un visa en 2002, mais on ignore s'il a mis les pieds au Canada à cette époque, affirme-t-il dans cette lettre obtenue par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Lettre censurée

M. Fadden a pu préciser les dates des visites de cet individu grâce aux données compilées par l'Agence des services frontaliers du Canada. M. Shahzad a été condamné à la prison à vie en octobre après avoir plaidé coupable en juin à des accusations de terrorisme et d'avoir tenté d'utiliser une arme de destruction massive.

La lettre de trois pages de M. Fadden est fortement censurée de sorte qu'il est impossible de savoir si les autorités canadiennes savent où s'est rendu M. Shahzad lorsqu'il a fait ses visites au pays ou si le service d'espionnage canadien l'avait à l'oeil quand il a franchi la frontière canado-américaine. On sait toutefois que le frère aîné de M. Shahzad est un ingénieur mécanique qui est installé au Canada depuis quelques années.

Au bureau du ministre Toews, responsable de la lutte contre les activités terrorisme, un porte-parole, Christopher McCluskey, a indiqué que les autorités canadiennes ne commentent pas sur des cas spécifiques qui pourraient toucher la sécurité nationale.

«Le gouvernement du Canada surveille de près toutes les menaces à la sécurité nationale. C'est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec nos alliés afin de contrer les menaces, y compris celles qui pourraient venir de l'extérieur de nos frontières. Mais il est clair que le Canada n'est pas à l'abri de la menace terroriste ou de la radicalisation de certains au pays», a dit M. McCluskey.

Une menace qui vient du sud

Selon Michel Juneau-Katsuya, ancien cadre au SCRS et expert en sécurité nationale, il est peu probable que les autorités canadiennes aient surveillé les déplacements de M. Shahzad puisqu'aucun soupçon ne pesait sur lui au moment où il est venu au Canada.

«Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il est venu au Canada à certaines dates, parce que c'est dans nos systèmes de données, mais on ne peut pas dire ce qu'il est venu faire ici exactement», a dit M. Juneau-Katsuya.

Cela dit, l'expert en sécurité nationale estime que les visites de M. Shahzad démontrent que les États-Unis doivent de plus en plus contrer les menaces de terroristes qui sont bien installés sur son territoire et qui ne viennent pas du Canada, contrairement à ce que croient encore certains responsables américains à ce jour.

«Contrairement à ce que les Américains ont toujours prétendu depuis le 11 septembre 2001, à savoir que la menace vient du nord vers le sud, la menace est beaucoup plus probable de venir du sud vers le nord. (...) Est-ce qu'ils viennent ici pour obtenir du soutien technique ou pour se trouver une porte de sortie après avoir commis leurs attaques? On ne le sait pas encore», a-t-il dit.

Un carnage évité

M. Shahzad avait garé sa voiture piégée à Times Square, le célèbre carrefour de Manhattan très fréquenté par les touristes. L'alerte a été donnée par des vendeurs ambulants qui avaient vu de la fumée s'échapper de la voiture, et l'explosion ne s'est pas produite.

L'attentat a échoué parce que la bombe de Shahzad n'a pas explosé. Mais les autorités américaines estiment qu'une explosion aurait pu provoquer un carnage, des milliers de touristes se trouvant à Times Square en fin d'après-midi ce samedi 1er mai, une chaude journée de printemps.

Le jeune homme a été arrêté deux jours après sa tentative d'attentat, alors qu'il s'apprêtait à s'envoler pour Dubaï. Il a plus tard été révélé qu'il s'est rendu au Pakistan plusieurs fois et y a rencontré le chef des talibans pakistanais, Hakimullah Mehsud. Ce dernier dirige le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), principal mouvement des talibans du Nord-Ouest, allié à Al-Qaïda et établi dans les zones tribales semi-autonomes frontalières de l'Afghanistan.

Faisal Shahzad a confirmé devant la justice avoir passé 40 jours, entre décembre 2009 et janvier 2010, avec les talibans pakistanais, dont 5 jours d'entraînement à la fabrication de bombes.

Durant l'enquête, M. Shahzad a déclaré aux autorités américaines qu'il s'attendait à tuer une quarantaine de personnes au moins en faisant exploser sa voiture piégée. Il a également avoué avoir eu l'intention de commettre un deuxième attentat.

- Avec William Leclerc