Stephen Harper a réussi à prendre le pouvoir il y a 5 ans en remportant, contre toute attente, 10 sièges au Québec. Sans ces précieux sièges, les libéraux de Paul Martin auraient pu conserver le pouvoir, mais ils auraient été à nouveau minoritaires.

Le gouvernement Harper a pu gouverner à sa guise, même s'il ne détenait que 124 des 308 sièges à la Chambre des communes, contre 103 sièges au Parti libéral.

Entre 2006 et 2008, Stephen Harper s'est donc employé à répondre à certaines demandes importantes du Québec: reconnaissance du Québec comme nation; règlement du déséquilibre fiscal; participation à la délégation canadienne à l'UNESCO, entre autres choses.

M. Harper a aussi nommé plusieurs députés du Québec à des postes névralgiques: Lawrence Cannon aux Transports, Maxime Bernier à l'Industrie puis aux Affaires étrangères, Josée Verner au Patrimoine et Jean-Pierre Blackburn à titre de ministre du Travail et de responsable de l'Agence de développement économique.

En somme, Stephen Harper a tenté de rebâtir entre le Québec et l'Alberta l'axe politique qui avait permis aux conservateurs de Brian Mulroney de remporter deux victoires majoritaires de suite dans les années 80.

Ces efforts ont rapporté des dividendes, en septembre 2007, quand Denis Lebel a remporté une élection partielle dans Roberval aux dépens du Bloc québécois. Les conservateurs ont également failli battre le Bloc québécois dans Saint-Hyacinthe-Bagot. Aussi, les conservateurs talonnaient les troupes bloquistes de Gilles Duceppe dans plusieurs sondages.

M. Harper et ses principaux collaborateurs avaient alors la ferme conviction que d'autres gains au Québec leur permettraient d'obtenir la majorité au Parlement.

Mais les résultats des élections fédérales d'octobre 2008 ont fait voler en éclats cette conviction. Après une campagne difficile malgré un bilan respectable au Québec, les conservateurs n'ont remporté que 10 sièges (ils ont depuis fait un gain aux dépens du Bloc dans Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup). Au même moment, ils avaient gagné une dizaine de sièges de plus en Ontario sans y mener une campagne de séduction.

Depuis, l'axe politique Québec-Alberta a officiellement été remplacé par une nouvelle coalition: Ontario-Alberta. Pour les conservateurs, l'obtention d'une majorité à la Chambre des communes passe par l'Ontario.

La victoire de l'ancien chef de police de l'Ontario Julian Fantino, en novembre, dans Vaughan, un bastion libéral de la région de Toronto, est venue consacrer ce nouvel axe.

Le remaniement auquel a procédé le premier ministre hier confirme cette tendance. Quatre députés ont été récompensés par Stephen Harper: deux de l'Alberta (Diane Ablonczy et Ted Menzies) et deux de l'Ontario (Julian Fantino et Peter Kent).

Aucun ministre du Québec n'a obtenu de promotion. Les Lawrence Cannon (Affaires étrangères), Christian Paradis (Ressources naturelles), Josée Verner (Affaires intergouvernementales), Jean-Pierre Blackburn (Anciens combattants) et Denis Lebel (Agence de développement économique pour le Québec) conservent leurs fonctions. M. Harper n'avait pas le choix. Il utilise les cartes qui lui ont été remises le jour du scrutin. Les cartes du Québec sont limitées pour l'instant. Et elles risquent d'être également limitées à l'issue du prochain scrutin, si l'on se fie aux résultats des sondages des derniers mois.

À plusieurs reprises, hier, Stephen Harper a répété en conférence de presse qu'il veut, par ce remaniement, maintenir le cap sur la relance de l'économie canadienne. Mais plus que jamais, ce remaniement confirme qu'il maintient aussi le cap sur la construction de l'axe politique entre l'Alberta et l'Ontario pour obtenir un jour sa fameuse majorité aux Communes.