Le gouvernement Charest ne doit pas compter sur Ottawa pour obtenir les 2,2 milliards de dollars qu'il réclame pour avoir harmonisé la TVQ à la TPS. Selon toute vraisemblance, le budget que déposera le ministre des Finances, Jim Flaherty, à la fin de février ou au début de mars, ne contiendra rien en ce sens.

Les négociations avancent à pas de tortue, selon ce qu'a appris La Presse mardi. Et, à moins d'une intervention politique en haut lieu, ce dossier ne sera pas réglé de sitôt.

Le Québec réclame une compensation de 2,2 milliards pour avoir harmonisé la TVQ à la TPS dans les années 90. Ce dossier a été de nouveau propulsé à l'avant-scène de l'actualité en 2009 après que le gouvernement Harper eut accepté de verser une compensation de 4,3 milliards de dollars à l'Ontario et de 1,6 milliard à la Colombie-Britannique pour avoir harmonisé leur taxe de vente à la TPS.

Des conditions difficiles

Selon nos sources, Ottawa est prêt à indemniser le Québec, mais à certaines conditions. D'abord, Ottawa offre 1,8 milliard de dollars. Ensuite, il veut être responsable de la perception de la nouvelle taxe harmonisée, comme c'est le cas dans les autres provinces, ce que Québec juge inacceptable. Enfin, il faut que les mêmes produits soient assujettis à la nouvelle taxe.

Les chances qu'il y ait une entente dans ce dossier avant le prochain budget sont très minces», a confié à La Presse une source digne de foi. «L'entente doit être comparable à celle qui existe avec l'Ontario et la Colombie-Britannique pour que le Québec obtienne une compensation. Une seule taxe doit figurer sur la facture des consommateurs. C'est simple. Il ne s'agit pas d'une question identitaire; il s'agit d'une question économique et fiscale.»

Ottawa tient à percevoir la nouvelle taxe afin de ne pas prêter le flanc aux critiques dans les provinces qui ont signé une entente. «Si nous confions à Québec la responsabilité de percevoir la taxe harmonisée, nous ouvrons une boîte de Pandore avec les autres provinces.»

Le gouvernement Harper estime que la TVQ n'est pas totalement harmonisée au Québec, contrairement aux autres provinces. En Ontario, par exemple, une seule taxe de 13% figure sur les factures, alors qu'au Québec les taxes provinciale et fédérale sont toujours distinctes.

À Québec, on se dit satisfait de l'état des négociations - on exprime même un optimisme prudent -, mais on souhaite toutefois qu'elles accélèrent pour que l'entente soit incluse dans le prochain budget Flaherty.

«Il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas dans le budget... à moins que des considérations politiques indépendantes de notre volonté entrent en jeu. Les négociations entre fonctionnaires avancent bien. Il est temps d'accoucher», a indiqué une source provinciale bien au fait du dossier.

Le gouvernement Charest se dit disposé à ne plus imposer la TVQ sur la TPS (taxer la taxe, dans le jargon). Québec est aussi d'accord pour qu'une seule de taxe figure sur les coupons de caisse.

Quant à la perception, le gouvernement Charest affirme, contrairement à nos sources fédérales, que cet élément est «réglé» et que Québec continuera de percevoir sa taxe de vente.

«La perception par Québec fonctionne très bien, alors, il n'y a aucune raison d'éliminer ça, ajoute-t-on dans l'entourage de Jean Charest. Pour ce qui est d'indiquer ou non la taxe à la caisse, cela ne change rien à l'autonomie fiscale du Québec, qui pourra continuer d'imposer sa taxe et de la percevoir.»

Ce qui «accroche» pour le moment - et encore, ce n'est pas majeur, dit-on à Québec - c'est le pourcentage des exemptions permises dans l'entente d'harmonisation. Ces exemptions permettent, par exemple, à une province de ne pas appliquer sa taxe de vente sur certains produits, comme les livres ou les couches pour bébés.

Pour en arriver, éventuellement, à une entente formelle avant le prochain budget, il faudra vraisemblablement que le politique s'en mêle, comme c'est généralement le cas lorsque les fonctionnaires (des Finances dans ce cas) ne peuvent plus avancer.

Il faudrait pour cela que MM. Harper et Charest poussent à la roue, d'autant plus qu'il reste peu de temps d'ici à la présentation du budget. Or, les relations entre les deux hommes ont déjà été plus chaleureuses. Ottawa ne semble pas disposé à faire d'exceptions pour un gouvernement qui l'a maintes fois critiqué publiquement dans les dernières années, notamment au sujet de la lutte contre les changements climatiques.

La suite des négociations aura nécessairement des répercussions sur les rapports entre Québec et Ottawa, mais elle pourrait aussi influer grandement sur l'échéancier électoral fédéral.

À Ottawa, on s'accorde généralement à dire que le Bloc québécois ne pourrait voter contre un budget qui contiendrait quelque 2 milliards pour le Québec, ce qui permettrait au gouvernement Harper de survivre encore plusieurs mois.