Les déclarations du premier ministre Stephen Harper sur la peine de mort inquiètent au plus haut point les partis de l'opposition à Ottawa, qui craignent la reprise d'un débat clos depuis longtemps au Canada.

En entrevue à la télévision de CBC, mardi, M. Harper a affirmé qu'il trouvait «personnellement» que la peine de mort était «appropriée», «dans certains cas», ajoutant toutefois qu'il n'avait pas l'intention de ramener cet enjeu à l'ordre du jour «dans le prochain Parlement».

Mais, pour les partis de l'opposition, ces propos, et le moment où ils surviennent, sont loin d'êtres anodins.

«On ne peut pas faire confiance à M. Harper sur cette question», a jugé le leader parlementaire du Parti libéral, David McGuinty.

Selon lui, le chef conservateur tient un double discours sur des enjeux moraux qui sont fondamentaux et difficiles pour les Canadiens.

«Sur la peine capitale, le Parti libéral a la même position depuis 1976: nous sommes contre. Si M. Harper est véritablement favorable à la peine de mort, il devrait le dire clairement et déposer à la Chambre des communes un projet de loi qui est conséquent avec ses convictions.»

M. McGuinty rappelle que les conservateurs de Stephen Harper ont réussi à relancer le débat sur le contrôle des armes à feu et sur l'avortement, dans les dernières années, de façon détournée, avec un projet de loi privé de la députée Candice Hoeppner dans le cas des armes d'épaule, et en refusant de financer les interruptions de grossesse à l'étranger, dans le cadre du plan pour la santé maternelle du G20, tout en affirmant de pas vouloir rouvrir le dossier au Canada.

Selon les chiffres compilés par le Parti libéral, les conservateurs ont brisé 145 de leurs promesses électorales au cours des cinq dernières années.

Selon la députée du Bloc québécois dans Beauharnois-Salaberry, Claude DeBellefeuille, des tels propos pourraient nuire aux chances des conservateurs au Québec, advenant des élections printanières.

«C'est un mauvais message à envoyer à la veille de la reprise des travaux parlementaires. C'est un enjeu qui est réglé depuis longtemps au Québec et au Canada», a souligné Mme DeBellefeuille, jugeant que M. Harper s'adressait ainsi à une partie spécifique de son électorat. Un sondage Ekos réalisé en mars 2010 indiquait que la population canadienne était particulièrement divisée sur la question: 40% des répondants affirmant être en faveur de la réintroduction de la peine de mort, comparativement à 46% qui s'y opposent. Le même sondage révélait que les partisans des conservateurs de Stephen Harper approuvaient ce châtiment dans une proportion de 53%.

«Que le premier ministre dise que, dans certaines circonstances - on ne sait pas lesquelles -, il appuie ça, c'est vraiment regrettable», a estimé le critique du NPD en matière de justice, Joe Comartin, qui souligne qu'il y a toujours la possibilité d'erreurs judiciaires dans les condamnations.

«Toutes les études faites dans les pays qui ont la peine de mort disent que ça n'a pas d'effet dissuasif», a aussi ajouté l'avocat de formation. La peine de mort a été abolie au Canada en 1976.