Éclaboussée par la controverse qui entoure le financement de l'organisme Kairos, la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, doit démissionner, selon l'opposition.

Aussi responsable de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), la ministre a admis, lundi, avoir elle-même modifié un document afin que l'organisme chrétien d'aide humanitaire ne reçoive plus de financement, et ce, contre l'avis de ses fonctionnaires.

À l'automne 2009, lorsque Kairos a vu sa subvention réduite à néant, le gouvernement conservateur avait d'abord expliqué que l'organisme ne répondait plus aux critères de l'ACDI.

Or, en comité parlementaire, au mois de décembre dernier, Mme Oda avait affirmé qu'elle ne savait pas qui avait ajouté au crayon le mot «NOT» au document qui devait confirmer un financement de 7 millions de dollars.

Selon l'opposition, l'aveu de lundi prouve que la ministre s'est rendue coupable de falsification de documents, a menti, tenté de jeter le blâme sur ses fonctionnaires et induit la Chambre en erreur.

«La ministre de la Coopération internationale a coupé les fonds d'une organisation religieuse réputée. Ensuite, elle a altéré un document provenant de ses fonctionnaires, laissant croire qu'ils étaient en accord avec son jugement alors que c'est faux. Enfin, elle a trompé la Chambre, a dit le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff. C'est une conduite indigne d'une ministre.»

Mais le premier ministre Stephen Harper n'a pas l'intention de montrer la porte du cabinet à Mme Oda, comme il l'a fait avec Maxime Bernier en 2008 ou avec Helena Guergis, qui a perdu son poste de ministre l'an dernier dans des circonstances encore nébuleuses.

«La ministre a clairement dit que c'était sa décision. C'est sa responsabilité de s'assurer que l'argent des contribuables est utilisé efficacement pour l'aide humanitaire. C'est ce qu'elle a fait dans ce cas», a martelé M. Harper, arguant que tout ministre a la prérogative d'accorder ou non du financement à un organisme.

En décembre 2009, quelques semaines à peine après que Kairos eut été avisé qu'il ne recevrait plus de financement, le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, avait ouvertement indiqué que l'annulation des fonds de l'organisme était liée à ses positions critiques envers Israël.

«C'est de la falsification de documents. Point à la ligne. C'est pire que M. Bernier et Mme Guergis, qui, eux, ont eu à démissionner», a tranché le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

«Quand un gouvernement ou des ministres commencent à ne pas dire la vérité, c'est le commencement d'un processus tout à fait inacceptable, a renchéri le chef du NPD, Jack Layton, à la sortie de la période des questions. La tradition, ici, à la Chambre des communes, veut que, quand quelqu'un n'a pas dit la vérité, il ou elle démissionne.»

Le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae, estime pour sa part que la décision de priver Kairos de sa subvention devait venir de plus haut, du bureau du premier ministre. «Quiconque connaît minimalement le gouvernement Harper sait qu'aucun de ses ministres n'est un acteur autonome. Mme Oda n'a pas pris cette décision toute seule», a souligné M. Rae.