La croisade d'Ottawa pour défendre les sables bitumineux n'avait pas que des visées internationales. Après les États-Unis et l'Europe, le gouvernement fédéral, de concert avec les producteurs pétroliers, s'est appliqué à convaincre le Québec et l'Ontario de l'importance de cette industrie, révèlent des documents obtenus par un groupe environnementaliste, grâce à la Loi d'accès à l'information.

En novembre dernier, le Réseau action climat Canada publiait un rapport démontrant que le gouvernement conservateur, à Ottawa, travaillait main dans la main avec le gouvernement de l'Alberta et l'industrie pétrolière pour mener un lobby secret, à l'étranger, afin de promouvoir et protéger la polluante industrie des sables bitumineux.

Or, de nouveaux documents obtenus par le regroupement d'organismes viennent non seulement confirmer l'alliance explicite entre Ottawa et les pétrolières, mais révèlent également que le Québec et l'Ontario étaient aussi dans la ligne de mire de la stratégie de promotion de l'industrie.

On y apprend, notamment, qu'en mars 2010, l'Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) a proposé au gouvernement fédéral une stratégie «renouvelée» de communication dans le dossier des sables bitumineux.

«Le ministère des Ressources naturelles et le gouvernement canadien travaillent avec l'ACPP dans ce dossier depuis un certain temps déjà et il est maintenant temps qu'on augmente la cadence, stipule un résumé de la position du gouvernement, dans un des documents. Nos priorités étaient les États-Unis, l'Europe et le Canada, - nous devons maintenant atteindre plus de Canadiens en Ontario et au Québec.»

Une stratégie dénoncée

La stratégie consiste, entre autres, à établir «des messages communs» pour assurer «des produits communicationnels cohérents» entre l'industrie des sables bitumineux, le gouvernement albertain, le ministère des Ressources naturelles, les Affaires étrangères et les autres ministères impliqués, souligne un des documents.

«Le gouvernement du Canada agit comme lobbyiste pour l'industrie des sables bitumineux, dans un effort concerté pour miner les politiques environnementales dans d'autres pays. Je pense que c'est un scandale, estime le directeur exécutif du Réseau action climat, Graham Saul. Notre politique étrangère est devenue un monstre que la plupart des Canadiens rejetteraient.»

«Ce que ces documents suggèrent, c'est que le gouvernement fédéral travaille carrément pour l'industrie, ajoute-t-il. Ils le font de façon secrète, et sans aucun apport d'organisations non gouvernementales ou de la société civile. Et il n'y a aucune mention d'aucune demande à l'industrie pour qu'elle améliore son bilan environnemental.»

Des provinces lésées

Le Québec et l'Ontario sont ciblés, selon lui, parce que ce sont les deux provinces qui souffrent le plus de cette politique étrangère en faveur de l'industrie pétrolière, qui a aussi pour conséquence, au pays, un dollar canadien élevé, qui nuit lourdement aux secteurs manufacturiers.

«Ce sont aussi les deux provinces où il y a le plus grand nombre de gens qui comprennent que le Canada ne pourra jamais atteindre ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre si l'industrie des sables bitumineux continue de croître à son rythme actuel», soutient M. Saul.

Depuis 12 mois, le Québec et l'Ontario sont donc victimes, selon lui, d'une vaste offensive de relations publiques - affiches, publicités, etc.- de l'industrie pétrolière, pour convaincre la population d'appuyer une expansion «radicale» de l'exploitation des sables bitumineux.