Malgré ses explications et ses excuses, les partis de l'opposition à Ottawa continuent de réclamer la démission de la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, qu'ils accusent d'avoir menti aux parlementaires.

Mme Oda comparaissait vendredi devant le comité de la procédure, qui doit évaluer si le gouvernement et la ministre ont commis des outrages au Parlement. La semaine dernière, le président de la Chambre, Peter Milliken, a jugé que les privilèges parlementaires avaient été bafoués dans deux dossiers et renvoyé la question au comité.

La décision d'annuler le financement de l'organisme Kairos ne venait pas d'une directive du bureau du premier ministre, a martelé vendredi la ministre Oda, qui s'est excusée ouvertement de la «confusion» qui a pu être causée par ses différentes déclarations sur le sujet.

En comité parlementaire, en décembre dernier, la ministre avait dit qu'elle ne savait pas qui avait ajouté, au crayon, la mention «NOT» dans un document officiel de l'Agence canadienne de développement international, annulant ainsi la recommandation des fonctionnaires, qui approuvaient un financement de 7 millions de dollars à l'organisme chrétien d'aide humanitaire. Or, vendredi, la ministre a indiqué avoir appris le lendemain de sa comparution que c'est Stéphanie Machel, sa chef de cabinet de l'époque, qui avait fait le changement - celle à qui, précisément, Mme Oda dit avoir demandé de le faire.

L'opposition indignée

«J'ai posé une question le 9 décembre. La ministre a su la réponse le lendemain, mais ça a pris 90 jours, des tonnes de questions en Chambre, deux motions de privilège, et il a fallu la traîner de force devant ce comité pour finalement obtenir le nom de la personne qui a modifié le document, a dit le député libéral John McKay. C'est typique de ce gouvernement. L'opposition doit utiliser tous les moyens possibles afin d'obtenir la vérité. Ça vient confirmer l'outrage au Parlement.»

Indigné, le député néo-démocrate Pat Martin a estimé que la ministre avait induit la Chambre en erreur «par omission». Sa défense, à son avis, ne tient pas la route. Les députés de l'opposition rejettent l'argument selon lequel c'est une «pratique courante» de modifier au crayon un document officiel pour annuler une recommandation.

«Sur quelle planète vivez-vous, madame la ministre? a lancé M. Martin en comité. Vous êtes soit une très mauvaise ministre, ou une très mauvaise menteuse.»

Mme Oda a maintenu qu'elle avait fondé sa décision de refuser le financement de Kairos sur des critères d'utilisation optimale de l'argent des contribuables.

Elle a indiqué ne pas avoir discuté de la question avec le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, qui a affirmé dans un discours, à l'automne 2009, que Kairos s'était vu retirer son financement parce qu'il s'agissait d'une organisation antisémite.

C'est cet élément qui pousse les partis de l'opposition à continuer de croire que la décision vient de plus haut.

«Ma thèse, c'est que le premier ministre a pris la décision après que la ministre ait signé, a dit le leader parlementaire du Bloc québécois, Pierre Paquette. Mais c'est la responsabilité de la ministre, donc elle doit démissionner. Elle a menti et elle a falsifié un document.»

«Mauvaise interprétation»

Le député Tom Lukiwski, le porte-parole du gouvernement conservateur dans le dossier, estime que la comparution de la ministre devant le comité a réussi à dissiper toute confusion, laquelle découle à son avis d'une «mauvaise interprétation» de la situation par les députés de l'opposition.

«Je pense que, quoi que la ministre ait pu dire, rien n'aurait fait changer d'avis les membres de l'opposition, a toutefois déploré M. Lukiwski. Leur idée était faite et tout ce qu'ils veulent, c'est accuser le gouvernement et la ministre d'outrage au Parlement.»

À l'issue de sa comparution, la ministre a refusé, comme elle le fait depuis le début de cette controverse, de répondre aux questions des journalistes. Elle ne répond d'ailleurs pas non plus à celles des députés.