Le ministre des Finances, Jim Flaherty, n'a pu séduire le NPD avec les dépenses supplémentaires de 2,3 milliards de dollars qu'il a saupoudrées dans le budget présenté hier à la Chambre des communes.

Ce budget de 278,7 milliards de dollars, qui tentait de répondre à quelques-unes des demandes du NPD sans compromettre les grandes orientations du gouvernement, s'est donc rapidement transformé en programme électoral pour le Parti conservateur.

Le NPD a rendu des élections inévitables au printemps - vraisemblablement le 2 mai - en se joignant au Parti libéral et au Bloc québécois pour rejeter le budget.

«Il n'y a rien dans ce budget qui m'a convaincu que Stephen Harper a changé d'avis et qu'il est prêt à faire fonctionner le Parlement pour donner un répit aux familles de la classe moyenne. C'est pourquoi le NPD n'appuiera pas le budget dans sa forme actuelle», a affirmé le chef du NPD, Jack Layton, 45 minutes après la présentation de M. Flaherty.

Le NPD est donc allé à contre-courant des recommandations de son allié traditionnel, le Congrès du travail du Canada, qui a exhorté tous les partis à examiner «soigneusement» le plan conservateur.

Minoritaires aux Communes, les conservateurs ont besoin de l'appui d'un des trois partis de l'opposition pour se maintenir au pouvoir. Jim Flaherty, qui estime avoir tendu une perche honorable au NPD, s'est dit déçu de la décision du chef néo-démocrate et a écarté tout amendement à son plan budgétaire.

Le vote décisif aura lieu vendredi au plus tard.

«Contre leurs propres propositions»

«Le gouvernement a abondamment consulté les Canadiens sur le budget. Nous avons eu des consultations avec les partis de l'opposition. Si les partis de l'opposition avaient pris le temps de lire le budget au lieu de se bousculer à la porte pour dire qu'ils allaient voter contre, ils auraient réalisé que le gouvernement a tenu compte de plusieurs de leurs recommandations», a déclaré Dimitri Soudas, proche collaborateur de Stephen Harper.

«Les partis s'apprêtent à voter contre leurs propres propositions. Le budget a été déposé. Il n'y aura qu'un budget. S'ils votent contre des mesures pour aider les aînés les plus démunis, contre des mesures pour les aidants naturels, contre des crédits d'impôt pour les entreprises pour embaucher des travailleurs, contre les mesures pour les docteurs et les infirmières, ils auront à expliquer leur décision à la population canadienne», a ajouté M. Soudas.

Dans son budget, M. Flaherty a retenu deux des cinq demandes du NPD. D'abord, il a accepté de bonifier le supplément de revenu garanti pour les aînés les plus démunis. Cette mesure, qui accorderait 600$ de plus par année aux personnes seules et 840$ aux couples, coûterait 300 millions de dollars par année.

Ensuite, le ministre a accepté de reconduire pour une autre année le programme de rénovations domiciliaires écoÉNERGIE, une dépense de 400 millions de dollars. Il a en revanche refusé d'abolir la TPS sur les factures de chauffage, d'embaucher de nouveaux médecins et de bonifier le régime de pensions du pays.

Le ministre Flaherty a aussi fait quelques concessions aux libéraux en proposant d'instaurer un crédit d'impôt non remboursable de 15% applicable à une somme de 2000$ pour les personnes qui s'occupent d'un proche malade. Coût de cette mesure: 40 millions cette année et 160 millions l'an prochain.

Il a en outre repris à son compte l'idée des libéraux d'améliorer les soins de santé offerts dans les régions rurales en effaçant les prêts étudiants jusqu'à concurrence de 40 000$ pour les nouveaux médecins de famille et de 20 000$ pour les infirmières.

Le ministre a par ailleurs proposé la création de plusieurs crédits d'impôt. Les pompiers volontaires obtiendraient 3000$ s'ils font au moins 200 heures de service. Les parents qui inscrivent leurs enfants à des activités artistiques auraient droit à un crédit d'impôt de 15% sur un maximum de 500$.

Pour encourager la création d'emplois, Ottawa proposait l'instauration d'un crédit temporaire à l'embauche pour les petites entreprises, «pierre d'assise de l'économie canadienne». Cette mesure, qui coûterait 124 millions de dollars cette année, accorderait un crédit ponctuel pouvant atteindre 1000$ pour atténuer la hausse des cotisations de l'assurance emploi prévue en 2011 pour les employeurs qui embauchent de nouveaux employés.

Un modèle

Dans son discours aux Communes, le ministre s'est félicité de la bonne tenue de l'économie canadienne malgré la crise économique. «Le Canada émerge de la récession mondiale comme étant l'une des économies avancées les plus performantes. Tout au long de la récession, la communauté internationale a considéré le Canada comme un modèle et une source d'inspiration», a affirmé le ministre.

M. Flaherty a aussi réitéré la promesse d'éliminer le déficit au plus tard en 2015 sans augmenter les impôts et sans réduire les paiements de transfert aux provinces. Il est en outre essentiel, à son avis, de maintenir bas les impôts des entreprises afin de protéger l'avantage fiscal du Canada.

Jim Flaherty a enfin plaidé pour l'adoption de son plan budgétaire et a exhorté les partis de l'opposition à ne pas provoquer d'élections générales.

«L'heure n'est pas à l'instabilité. Un climat instable compliquerait les activités de planification et d'expansion des entreprises canadiennes. Il détournerait l'investissement vers d'autres pays. Il mettrait en péril les progrès que nous avons accomplis», a affirmé le ministre.

«Le Parlement doit maintenant faire un choix. Il doit choisir entre la stabilité et l'incertitude, entre les principes et l'opportunisme.»