Les partis de l'opposition ont renversé le gouvernement de Stephen Harper, vendredi. Le premier ministre se rendra samedi matin à la résidence du gouverneur général pour lui demander de dissoudre le Parlement. Les électeurs seront convoqués aux urnes vraisemblablement le 2 mai pour le quatrième scrutin en sept ans.

C'est une motion de censure présentée par le Parti libéral qui aura finalement eu raison des conservateurs. Peu après 14h, vendredi après-midi, le Bloc québécois et le NPD lui ont donné leur appui, scellant le sort de la 40e législature.

«Le vote d'aujourd'hui, qui bien sûr me déçoit, va aussi, je pense, décevoir la plupart des électeurs canadiens», a lancé le premier ministre Stephen Harper à la suite du vote. Il a donné l'assurance que ses troupes et lui continueraient à faire de l'économie leur priorité.

La motion adoptée par la Chambre des communes déclarait le gouvernement coupable d'outrage au Parlement pour avoir refusé de fournir aux députés le détail des coûts de certaines de ses décisions, dont ses nombreux projets de loi en matière de justice criminelle.

«La Chambre est d'accord avec la décision du Comité permanent de la procédure (...). Le gouvernement est reconnu coupable d'outrage au Parlement, ce qui est sans précédent dans l'histoire parlementaire canadienne, et en conséquence, la Chambre ne fait plus confiance au gouvernement», dit le texte, adopté par 156 voix contre 145.

Les parlementaires, d'habitude très bruyants, ont tous retenu leur souffle pendant la lecture du résultat de ce vote historique. Ce n'est que la sixième fois dans l'histoire parlementaire canadienne qu'un gouvernement fédéral est renversé sur un vote de confiance.

Comme le veut la tradition, une poignée de députés de l'opposition ont lancé des liasses de papier dans les airs, dans une ambiance de fin des classes.

Les heures du gouvernement Harper étaient comptées depuis mardi, lorsque tous les partis de l'opposition ont annoncé qu'ils voteraient contre le budget. Stephen Harper a refusé de modifier son énoncé économique, qu'il juge très bon et qu'il entend intégrer à sa plateforme électorale.

«Il n'y a rien dans le budget que l'opposition ne pouvait pas ou ne devait pas soutenir», a indiqué M. Harper à sa sortie des Communes. Il a refusé de répondre aux questions des journalistes.

«Je devrai rencontrer le gouverneur général demain pour l'informer de la situation», s'est-il contenté de dire.

Accompagné d'une partie de son équipe, le chef libéral, Michael Ignatieff, a pour sa part cherché à mettre l'accent sur la motion qui venait d'être adoptée. «Nous avons assisté, a-t-il dit, à un moment historique dans notre démocratie: un premier ministre condamné par la Chambre pour outrage à la démocratie canadienne. Il a perdu la confiance de la Chambre et il continue son mépris pour la démocratie en ne mentionnant même pas ce fait devant vous il y a quelques minutes.»

Le chef libéral a présenté un avant-goût de ce qui sera vraisemblablement son message de campagne électorale: il est le seul à proposer une véritable solution de rechange et un vote pour le NPD, le Bloc québécois ou les Verts contribue à la réélection de Stephen Harper.

Mais l'idée d'une coalition, au cas où le scrutin aboutirait à un nouveau gouvernement conservateur minoritaire, est vite revenue hanter le chef libéral. Bombardé de questions à ce sujet, M. Ignatieff a dit qu'il respecterait le verdict de la population et a refusé de se prononcer sur la légitimité d'un gouvernement de coalition dans notre système parlementaire.

Gilles Duceppe, après un discours enflammé, en Chambre, dans lequel il a accusé les conservateurs d'avoir abandonné le Québec, a affirmé à sa sortie des Communes que le gouvernement avait «érigé le mensonge en système».

Toute la journée, vendredi, le Bloc québécois et le gouvernement se sont mutuellement accusés de mal défendre les intérêts du Québec. «Les Québécois doivent sanctionner M. Harper et voter massivement», a lancé M. Duceppe, qui a souligné qu'il n'entendait pas quitter son siège durant le prochain mandat, même s'il est de quatre ans.

Le chef du NPD, Jack Layton, a pour sa part voulu faire taire les questions sur son état de santé. Il a indiqué que son taux d'antigène prostatique spécifique (mesure utilisée dans le suivi du cancer de la prostate) était presque indétectable et que ses points de suture à la hanche avaient été retirés jeudi.

Comme lors du scrutin de 2008, M. Layton fera campagne pour le poste de premier ministre.

«Nous allons présenter nos idées, notre équipe, et combattre les conservateurs partout, d'un océan à l'autre, pour les remplacer à la Chambre des communes», a-t-il conclu.