Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a multiplié, dans les dernières années, les rencontres avec des lobbyistes liés à l'industrie pétrolière.

Une recherche exhaustive effectuée par La Presse au Commissariat au lobbying a permis de constater qu'entre juillet 2008 et le 31 décembre 2010, 20 entreprises ou organismes liés aux pétrolières ont obtenu 229 rencontres directement avec des ministres conservateurs.

Si on y ajoute les chefs de cabinet, les députés conservateurs, les conseillers de ministres ou du bureau du premier ministre, les sous-ministres et les présidents d'organismes gouvernementaux, c'est plus de 1100 rencontres qui ont eu lieu entre le gouvernement Harper et le monde des pétrolières en 30 mois.

Le premier ministre lui-même a participé, seul ou accompagné d'autres ministres, à trois de ces rencontres avec l'industrie.

C'est l'Association canadienne des produits pétroliers (ACPP) qui remporte la palme, ayant eu tout près de 200 rencontres avec des membres du gouvernement en deux ans et demi, dont 26 réunions avec des ministres conservateurs.

Dans les derniers mois, différents documents obtenus par des groupes environnementalistes en vertu de la loi d'accès à l'information ont révélé que le gouvernement de Stephen Harper a travaillé, dans les dernières années, main dans la main avec l'ACPP pour établir une stratégie commune afin de défendre les sables bitumineux à l'étranger, mais aussi dans les provinces les plus critiques de cette industrie, notamment au Québec et en Ontario. Les publicités de l'ACPP sont d'ailleurs visibles dans plusieurs endroits, notamment dans les abris d'autobus d'Ottawa.

Des grandes entreprises de l'industrie des sables bitumineux, comme Suncor Energie Inc. et Imperial Oil Limited, ont aussi été très actives auprès du gouvernement, avec respectivement 36 et 41 rencontres avec des ministres conservateurs, pendant la même période de temps.

Ministre de l'Environnement d'octobre 2008 à novembre 2010, l'ex-député albertain Jim Prentice est de loin celui qui a rencontré le plus souvent les représentants de l'industrie des pétrolières, avec 74 entretiens. Sa collègue Lisa Raitt, ministre des Ressources naturelles d'octobre 2008 à janvier 2010, a eu 45 rencontres avec les entreprises et organismes liés à ce secteur de production énergétique, dont à neuf reprises avec l'ACPP.

En comparaison, La Presse a fait la même recherche auprès du Commissariat au lobbying pour cinq des principaux organismes environnementalistes canadiens pour la même période de temps. Seul l'Institut Pembina a obtenu des rencontres avec des ministres conservateurs: 7 fois en 30 mois, avec le ministre Prentice (à 5 reprises), le ministre Christian Paradis (qui a remplacé Mme Raitt aux Ressources naturelles), et le ministre John Baird, dans le court laps de temps où il a assuré la transition avant la nomination du nouveau ministre de l'Environnement, Peter Kent.

L'Institut Pembina, tout comme l'organisme Équiterre, a toutefois obtenu plusieurs rencontres avec des députés de l'opposition, démontrent les registres.

Rien de surprenant, selon le directeur exécutif de l'Institut Pembina, Ed Whittingham. «C'est tellement une grosse industrie avec beaucoup d'argent qu'ils ont accès facilement aux politiciens, a déploré M. Whittingham. Évidemment que ç'a une influence, sinon les sociétés ne dépenseraient pas autant d'argent pour des activités de lobbying.»

Selon lui, c'est le travail des politiciens de faire la part des choses et de prendre des décisions dans l'intérêt de tous les Canadiens plutôt que d'une seule industrie.

«Le ministre de l'Environnement, que ce soit Jim Prentice ou Peter Kent, doit se rappeler que son travail est de protéger l'environnement, peu importe ce que l'industrie lui demande», a conclu M. Whittingham.

- Avec William Leclerc