«J'ai été triste, affligé. Ç'a été difficile, douloureux», a dit Gilles Duceppe, mercredi, au cours de sa première conférence de presse depuis la cuisante défaite du Bloc.

«Mais c'est la vie. Quand on donne des coups, on s'attend à en recevoir. Et j'en ai reçu.»

Il a bien été question de politique, durant cette conférence donnée à Laval après une réunion avec ses troupes, mais il a surtout été question de son état d'esprit.

Ses enfants, a-t-il dit, l'appellent encore deux fois par jour pour s'assurer qu'il va bien.

«Et ça va? lui a demandé une journaliste.

- Oui, a-t-il répondu, je vais aussi bien qu'on peut aller dans les circonstances.»

«Les huit derniers jours ont été difficiles, a-t-il poursuivi. Je me suis demandé si ce qui était arrivé était ma faute. À 64 ans, on ne se refait pas. J'ai toujours eu pour réflexe de tout prendre sur mes épaules.»

«C'est dur, c'est très dur pour le moral, mais je me dis que, quand je gagnais, ça devait être dur pour les autres. C'est la vie. On ne peut pas remporter des victoires et refuser les défaites.»

Gilles Duceppe avait le ton traînant, mercredi. Son débit n'était pas le même qu'à l'habitude, il n'y avait plus dans ses intonations la fougue qui lui est si caractéristique. En fait, il avait tout du boxeur qui avait subi le plus dur K.-O. de sa vie.

La politique, «ce n'est pas une ligne droite. Il y a des courbes. Et parfois, on les rate, mais il faut reprendre la route.»

Lui a repris la route, mais à vélo, à raison de 20 km par jour. C'est ce qu'il entend faire dans les prochains jours: du vélo, de la cuisine, écouter de la musique, passer du temps en famille...

D'ailleurs, il était prévu qu'il parte en vacances avec ses enfants et ses petits-enfants cet été. Il pensait le faire tout en étant toujours en poste, victorieux, mais la vie en a décidé autrement.

Zen il sera, donc, «après avoir vécu à une vitesse assez fulgurante depuis 20 ans». « Je vais laisser du temps au temps», dit-il. Mais comme il n'a «pas grand-chose d'un bouddha», il doute de rester pour toujours dans la contemplation.

S'en ira-t-il au Parti québécois? Gilles Duceppe a dit qu'il n'avait pas reçu d'offre en ce sens.

Rêve-t-il d'en devenir le chef un jour? Il n'est pas tombé dans le piège: il a dit que cette question était tellement hypothétique qu'il n'allait pas y répondre.

La mairie de Montréal, alors? «J'ai bien vérifié aussi s'il y avait une place qui se libérait au Vatican», a-t-il répondu, badin.

Rejetés

Depuis sa défaite, Gilles Duceppe n'est pas parti «en réclusion à Saint-Benoît-du-Lac», et quantité de personnes lui ont dit à quel point ils regrettaient ce qui est arrivé.

«Certains m'ont dit que j'avais été sacrifié. Je n'ai pas entendu de mal sur le Bloc. Au contraire, on m'a dit: «Vous faisiez bien votre job.» C'est comme si les gens avaient regretté de nous avoir rejetés, mais il ne faut pas se raconter d'histoires: nous avons été rejetés.»

Pourquoi cela? Parce que les gens voulaient manifestement du changement. Les Québécois ne voulaient pas de Stephen Harper, les libéraux étaient toujours largement discrédités depuis le scandale des commandites, puis il y avait Jack Layton, «un chef très sympathique».

Alors, les gens ont voté pour le NPD, même si ce changement s'incarnait dans certaines circonscriptions «dans des fantômes qui n'ont pas fait campagne et qui ne parlent pas français».

De cela, du fait que les gens ont voté pour des inconnus, on a senti que Gilles Duceppe était amer. Amer, aussi, d'entendre Jack Layton - qu'il n'a pas nommé, mais qu'il a très implicitement montré du doigt - faire des promesses sans queue ni tête pour séduire l'électorat. Comme de promettre plus de médecins en région, alors que ça ne relève pas d'Ottawa.

M. Duceppe ne croit pas à la mort du Bloc. Après tout, a-t-il dit, on a bien vu le Parti conservateur renaître avec Jean Charest, puis le NPD remporter le succès qu'il connaît aujourd'hui alors qu'il n'a déjà eu qu'un seul député.

Le Bloc n'est donc pas mort, il a encore des instances partout et de bons moyens financiers. Et il n'a surtout pas été inutile, comme en fait foi la presque-victoire référendaire de 1995, qui revient au moins en partie au Bloc.

Gilles Duceppe restera militant au Bloc et il donnera sur demande des conseils en privé, mais sans plus. Il n'entend pas participer aux débats plus que cela. Il est reparti là-dessus. Il avait, a-t-il dit, un bureau et un appartement à fermer à Ottawa. Et, manifestement, une importante page de sa vie à tourner.