Les pages du Sénat sont habituellement très discrets, mais l'une d'entre eux a rompu avec la tradition, vendredi, en profitant de son accès au Sénat pour manifester contre le gouvernement Harper, et ce, en pleine lecture du discours du Trône.

Plutôt que de servir de messager aux sénateurs ou leur servir de l'eau, Brigette DePape a décidé de se planter en plein centre de la Chambre haute en tenant dans ses gants blancs une affiche sur laquelle on pouvait lire «Stop Harper», en forme de signe d'arrêt routier.

Concentré, le gouverneur général David Johnston n'a jamais interrompu sa lecture du discours du Trône.

La jeune femme est demeurée sur place, en silence, l'espace d'une vingtaine de secondes, avant d'être escortée à l'extérieur de l'enceinte du Sénat par le sergent d'armes, Kevin Vickers.

Sans broncher, Mlle DePape s'est laissée faire pendant que les sénateurs, le gouverneur général et le premier ministre Stephen Harper demeuraient impassibles devant cet incident encore jamais vu pendant la cérémonie hautement protocolaire du discours du Trône.

Mlle DePape est restée en détention un peu plus d'une heure, le temps que le gouverneur général quitte la colline parlementaire et que la cérémonie soit terminée. Aucune accusation n'avait été portée, vendredi en fin de journée. La page a immédiatement perdu son emploi au Parlement.

Dans un communiqué de presse distribué rapidement après la manifestation, Brigette DePape, une diplômée de 21 ans de l'Université d'Ottawa, indique qu'elle était page depuis un an et qu'avec ce passage dans l'enceinte parlementaire elle s'est rendue compte que ce travail «n'arrêterait pas l'agenda de Harper». Elle a qualifié les orientations du premier ministre de «désastreuses».

«Nous devons l'empêcher de gaspiller des milliards de dollars sur des avions de chasse, des bases militaires, et des baisses de taxes pour les multi-nationales pendant qu'il coupe dans des programmes sociaux et détruit le climat. Ce que notre pays a besoin est (sic) d'emploi verts, un meilleur système de santé et un environnement en santé pour nos générations futures», dénonce Mlle DePape dans sa déclaration, qui, signe d'un geste bien organisé, a été envoyée aux médias à peine 15 minutes après son geste de protestation.

«Les valeurs conservatrices ne sont pas les valeurs canadiennes. Mais nous pourrons seulement arrêter l'agenda de Harper si les gens de tous les âges et tous les secteurs de la société s'unissent et s'engagent dans de la désobéissance civile créative», a-t-elle plaidé, en réclamant un soulèvement au pays comme celui du «printemps arabe».

La Manitobaine, qui a étudié en développement international et mondialisation à l'Université d'Ottawa, n'en était pas à sa première manifestation.

Alors qu'elle effectuait un stage au bureau de Winnipeg du Centre canadien de politiques alternatives, à l'été 2010, Mlle DePape avait rédigé un texte pour le centre dans lequel elle racontait avoir participé aux manifestations entourant le Sommet du G20 de Toronto.

«Non seulement manifester est-il important, c'est notre droit fondamental», écrivait-elle dans son récit, au fil duquel elle racontait avoir rencontré des militants de partout au pays dans la Ville Reine.

Avec ce geste d'éclat, Mme DePape perd non seulement son poste de page, mais elle doit renoncer du même coup au chèque de plus de 1000 $ versé aux pages qui complètent leur contrat de travail.