Six semaines après avoir été promu au rang de chef de l'opposition officielle à Ottawa grâce à un tsunami orange qui a déferlé sur le Québec, Jack Layton se dit toujours prêt à défendre les intérêts des Québécois, mais sans plier sur certains principes.

Cette semaine, le NPD a fait une virulente sortie contre l'exportation de l'amiante chrysotile, s'inscrivant en faux avec le gouvernement conservateur de Stephen Harper, mais aussi celui de Jean Charest, à Québec.

Ainsi, même avec 59 députés provenant de la Belle Province, sur les 103 membres que compte maintenant son caucus, le chef néo-démocrate n'entend pas défendre n'importe quelle position adoptée par Québec. C'est une question de principe, prévient Jack Layton.

«On respecte les opinions de l'Assemblée nationale. Mais des fois, il y aura des occasions où il y aura des différences», indique le chef néo-démocrate, en entrevue à La Presse, à quelques heures de l'ouverture du congrès du NPD à Vancouver.

La santé avant l'industrie

«L'important, c'est de s'assurer que la population connaît notre position avant de voter, poursuit-il. Notre position concernant l'amiante chrysotile, adoptée il y a trois ans, était très claire pour les Québécois. Et peu importe cela, ou peut-être aussi à cause de cela, il y a eu une vague pour l'équipe orange.»

Sur cet enjeu, le NPD a choisi de plaider la cause de la santé aux dépens de la controversée industrie québécoise.

«On considère toutes sortes de principes lorsqu'on prend position, souligne M. Layton. La première chose, c'est de se demander: qu'est-ce qui est bon pour la population, peu importe où elle habite. Quelle est la chose à faire pour appuyer les familles, les travailleurs, les jeunes, les aînés, l'environnement. On a ces grandes questions de principe.»

Ainsi, le NPD propose plutôt d'aider économiquement la région qui produit l'amiante à se diversifier.

«On peut dire que c'est un compromis. Mais pas vraiment. On s'oppose à l'exportation, mais ce qu'on veut faire c'est aider les familles, les travailleurs, les industries de la région, explique-t-il. Je pense que les deux vont ensemble.»

Un grand défi

À l'aube d'un congrès historique pour le Nouveau Parti démocratique, M. Layton a devant lui un défi de taille, mais qu'il croit pouvoir être en mesure de relever: consolider ses nouveaux acquis au Québec tout en ne s'aliénant pas le reste du Canada.

«Moi je pense que la majorité des Québécois ne veulent pas que le NPD abandonne les préoccupations des familles, des travailleurs hors du Québec. Ils cherchent une occasion de travailler avec ceux qui habitent hors du Québec, mais qui partagent les mêmes valeurs», rétorque M. Layton, dans un français qui semble s'améliorer de jour en jour depuis que c'est la langue parlée par la majorité de son caucus.

Mais alors que nombre de chroniqueurs et éditorialistes du Canada anglais commencent déjà à lui reprocher d'être trop collé aux positions du Québec, Jack Layton croit que la percée dans la Belle Province ne freinera pas la croissance du NPD ailleurs au pays.

Appuis en hausse constante

«Quand je suis devenu chef, on avait 13 députés. On a d'abord eu une croissance hors du Québec, avec une trentaine de députés. Maintenant on a augmenté notre présence au Québec, explique le chef néo-démocrate. On n'a pas eu la même croissance dans toutes les régions à la même élection, mais avec le même programme, on a augmenté nos appuis dramatiquement en Colombie-Britannique et en Ontario depuis 2000.»

En fait, M. Layton précise, chiffres à l'appui, que le nombre de sièges remportés par le NPD en Ontario a augmenté dans les dernières années au même rythme que les appuis populaires pour la formation politique au Québec. Jusqu'à la vague sans précédent du 2 mai, évidemment.

«L'hypothèse que c'est impossible de réconcilier les différents points de vue du Canada, c'est faux», soutient le chef de l'opposition officielle, qui dit être en bien meilleure forme que pendant la campagne électorale, bien qu'il continue à devoir se servir d'une canne, conséquence d'une opération à la hanche à la veille du déclenchement des élections.

«Il y en a qui préféreraient que ce soit le cas, mais les faits démontrent l'inverse. Et nous partageons cet espoir, conclut-il. Il y en a qui cherchent des occasions pour diviser les gens sur certaines questions. Mais au NPD, nous n'avons pas ce problème-là.»