Le gouvernement fédéral annonce un plan de surveillance de l'impact de l'exploitation des sables bitumineux sur les milieux naturels, alors que cette ressource est plus que jamais la tache honteuse sur la réputation environnementale du pays.

«Le plan établira le fondement scientifique rigoureux nécessaire de sorte que les gouvernements et l'industrie aient accès aux renseignements dont ils ont besoin pour assurer ­ au pays et à l'étranger ­ l'exploitation durable sur le plan environnemental des sables bitumineux», a déclaré jeudi le ministre de l'Environnement Peter Kent, au moment d'annoncer ce plan à Ottawa.

Le plan propose des moyens de surveiller l'impact de la pollution attribuable aux mines à ciel ouvert, aux bassins de résidus géants et aux raffineries sur l'air, l'eau et les écosystèmes terrestres de la région.

En conférence de presse, le ministre Kent a affirmé que le plan permettrait de répliquer aux mouvements de boycott des sables bitumineux qui s'activent aux États-Unis et en Europe et pourrait même faciliter l'approbation du pipeline Keystone XL, qui doit permettre d'augmenter les flux de pétrole canadien vers les États-Unis.

«Il est clair que le ministre Kent veut utiliser ce plan pour améliorer la réputation du Canada, dit Keith Stewart, chef de la campagne Climat et énergie de Greenpeace au Canada. Mais si l'expansion des sables bitumineux continue, il n'y a aucun moyen de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et les autres pays ne seront pas dupes.»

Certains des scientifiques les plus critiques des sables bitumineux sont associés à la démarche, comme le professeur David Schindler, de l'Université d'Alberta.

Dans une entrevue publiée ce mois-ci par le magazine Canadian Geographic, M. Schindler affirmait que jusqu'ici, la recherche sur les sables bitumineux était une «propagande vomie par l'industrie et le gouvernement» et qu'elle n'était «pas fondée sur des faits».

Une étude terrain réalisée en 2008 par M. Schindler avait montré que l'industrie des sables bitumineux relâchait 13 polluants toxiques dans la rivière Athabasca et ses environs.

Puis, l'an dernier, un comité d'experts scientifiques mandaté par le gouvernement avait conclu que «la surveillance actuelle n'(était) pas suffisante pour garantir que les sables bitumineux sont exploités de façon durable».

Selon le résumé fourni jeudi par Environnement Canada, le plan «fournira les données nécessaires pour une approche d'évaluation intégrée des effets cumulatifs». Il coûtera 50 millions par année et sera défrayé par l'industrie.

«Dans cette approche, l'objectif n'est pas d'évaluer les effets» projet par projet, mais de fournir une base régionale pour traiter les préoccupations clés», peut-on lire.

Ceci répond à une demande fondamentale des scientifiques et des écologistes.

Mais c'est d'être suffisant, aux yeux de M. Stewart. «La question est de savoir si le gouvernement veut réduire la pollution ou seulement la surveiller, dit-il. Et dans l'intervalle le ministre devrait suspendre tous les nouveaux projets.»

L'annonce de jeudi suit de près la conférence des ministres canadiens des mines et de l'énergie, qui a eu lieu à Kananaskis, en Alberta. Cette conférence s'est conclue sur un communiqué disant que «les sables bitumineux de l'Alberta sont une source d'énergie fiable, durable et importante pour approvisionner la planète».

Le volume de pétrole produit à partir de sables bitumineux doublera d'ici 2020, passant de 1,5 million de barils par jour à 3 millions. La croissance devrait se poursuivre au-delà de 2030.

Les écologistes sont unanimes: l'exploitation durable des sables bitumineux est une contradiction dans les termes. Selon l'Institut Pembina, «les sources d'énergies non-renouvelables et riches en carbones sont par leur nature non-durables».

«Ce que le gouvernement fédéral doit faire n'est pas de laver la réputation' des sables bitumineux, mais de nous sortir des sables bitumineux», a dit Daniel Breton, du mouvement MCN21.

Le succès du plan annoncé jeudi n'est pas assuré, a averti Liz Dowdeswell, qui a présidé le comité scientifique qui a conçu le plan. Cela dépendra «d'une mise en oeuvre efficace et en temps opportun».

De plus, doit-on noter, les impacts climatiques des sables bitumineux n'est pas abordé dans le plan annoncé jeudi. «On le connaît déjà et il est désastreux», affirme M. Stewart, de Greenpeace.