La censure de l'artiste écologiste torontoise Franke James, dont le projet d'exposition itinérante en Europe aurait, selon elle, été torpillé par le ministère des Affaires étrangères, est jugée «déplorable» par le porte-parole libéral en matière d'Affaires étrangères, Dominic LeBlanc.

«C'est déplorable, mais, malheureusement, ce n'est pas étonnant, a affirmé M. LeBlanc, dans une réponse par courriel aux questions de La Presse. Le gouvernement conservateur a encore une fois saisi la chance d'imposer ses valeurs partisanes à l'étranger. Le Parti conservateur ne comprend pas le poids culturel et socio-économique des artistes. Il tente de politiser l'art et, encore une fois, il démontre son manque de leadership en matière de relations internationales: au lieu de saisir la chance de faire rayonner le talent canadien, il nous a plutôt fait honte à l'étranger.»

Hier, La Presse a rapporté que le réseau des ambassades du Canada à l'étranger avait refusé son aide à Mme James, et qu'un commanditaire privé du projet d'exposition avait même annulé son financement, apparemment après avoir subi des pressions.

Messages écologistes

Mme James est une illustratrice qui transmet dans ses oeuvres des messages écologistes, dont certains qui critiquent directement les orientations du gouvernement Harper.

Celui-ci s'est défendu en affirmant que l'identité du commanditaire lui était inconnue, mais, selon les échanges de courriels que La Presse a obtenus, l'annulation de cette commandite privée est survenue cinq jours après que son nom a été appris par une personne au Ministère.

De son côté, Steven Guilbeault, d'Équiterre, dit qu'«on se croirait vraiment dans une dictature». «C'est quand même incroyable qu'on mette au service d'une idéologie l'appareil diplomatique au grand complet pour réduire une personne au silence, dit-il. C'est le genre d'histoire qu'on entend en Chine. C'est la censure sur le style:»Ou bien vous pensez comme nous, ou bien on va tout faire pour vous discréditer, pour vous faire taire, pour vous priver de subvention.»»

«Mais ce n'est pas la première fois que les conservateurs essaient de réduire au silence des gens qui ne pensent pas comme eux, dit-il. Moi-même, j'ai été aux premières loges de cela en 2009 à Copenhague, quand l'actuel directeur des communications de Steven Harper m'a accusé d'être à l'origine d'un canular. Il faisait ça pour me réduire au silence, pour me discréditer. Il a fini par dire qu'il faisait cela parce qu'il me reprochait de parler en mal du Canada alors qu'il fallait que j'en parle en bien.»

D'autres cas

Selon plusieurs observateurs, le cas de Mme James n'est pas isolé: dans d'autres décisions administratives, l'idéologie a également prévalu.

L'hiver dernier, la ministre responsable de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), Bev Oda, a admis être intervenue personnellement pour priver le groupe Kairos de financement, malgré l'avis positif de son ministère. Kairos est un mouvement pour la justice sociale, établi dans les églises canadiennes. Il prétend avoir perdu sa subvention fédérale à cause de ses positions critiques envers Israël, donc pour des raisons politiques.