Le passé de Nycole Turmel suscite la controverse. La chef par intérim du NPD a en effet été membre de deux partis souverainistes: le Bloc québécois, qu'elle a quitté en janvier 2011, et, jusqu'à hier, Québec solidaire. La remplaçante de Jack Layton assure pourtant qu'elle a toujours été fédéraliste.

Éprouvante journée pour Nycole Turmel. Le Globe and Mail a révélé hier que la nouvelle députée de Hull-Aylmer a été membre du Bloc québécois entre 2006 et janvier 2011, un parti auquel elle a versé des contributions totalisant 235$. Le Bloc - et son ancien chef Gilles Duceppe - lui a proposé de se présenter aux élections fédérales sous sa bannière en 2006 et en 2008.

«J'étais à la retraite quand j'ai pris ma carte au Bloc, et je l'ai laissée aller en janvier dernier quand j'ai pris la décision de me présenter comme candidate [pour le NPD]. J'ai été sondée par le Bloc à deux reprises, au moins», confirme-t-elle.

Après une longue et brillante carrière au sein de l'Alliance de la fonction publique canadienne, Nycole Turmel a aussi été sollicitée par le Parti libéral du Canada, et par le Parti québécois, en 2007, a appris La Presse. Le NPD ignorait cette dernière information, hier, et Nycole Turmel elle-même a failli l'oublier.

«Non. Je ne me souviens pas», nous a-t-elle d'abord répondu, avant de corriger: «Oh, oui, vous avez raison. J'ai été jointe par le Parti québécois, j'ai pris un café avec une personne qui m'a dit qu'ils souhaitaient beaucoup que je sois candidate si je voulais me présenter. J'ai dit non, pour plusieurs raisons. Je ne suis pas souverainiste, et j'ai appartenu à une organisation pancanadienne. Ça s'est terminé là, je n'ai rencontré personne d'autre.»

Nycole Turmel est devenue membre du Bloc québécois par amitié pour Carole Lavallée, députée du Bloc entre 2004 et 2011, et elle ignorait qu'un membre du NPD ne pouvait être membre d'un autre parti fédéral. Le NPD a toutefois été mis au courant de son adhésion au Bloc quand elle a déposé sa candidature. «J'ai découvert en remplissant ma fiche de candidature que je n'avais pas le droit. J'ai alors résilié ma carte», dit-elle.

Membre du NPD depuis 1990, Nycole Turmel assure qu'elle n'a jamais fait mystère de son adhésion à Québec solidaire, mais elle a toutefois décidé de ne plus être membre, hier.

Le Bloc sceptique

Au Bloc québécois, les explications de Nycole Turmel ont malgré tout du mal à convaincre. «Elle a écrit dans sa lettre de démission qu'elle n'avait rien contre les politiques du parti et qu'elle partait pour des raisons personnelles. Or, les politiques du parti, ça inclut surtout la souveraineté du Québec et la défense des intérêts du Québec. Comment peut-on être souverainiste et fédéraliste en même temps? Je m'interroge», dit Louis Plamondon, chef intérimaire du Bloc.

Richard Nadeau, ancien député bloquiste de Gatineau, a rencontré Nycole Turmel quand elle était toujours présidente de l'Alliance de la fonction publique. Il ne se doutait pas qu'elle était membre du NPD ni, une fois au Bloc, qu'elle était fédéraliste. «Souverainiste et fédéraliste en même temps, ça ne marche pas. Ça relève d'un manque de morale pure et simple sur le plan politique de la part de Mme Turmel et du NPD, estime-t-il. Elle a la tâche morale de représenter un parti foncièrement fédéraliste, une carte de Québec solidaire dans les poches: il y a quand même une certaine incompétence morale de sa part. Qu'elle dise qu'elle a été membre du Bloc pour faire plaisir à une amie, c'est encore moins sérieux.»

Polémique à Ottawa

La controverse autour des multiples adhésions partisanes de Nycole Turmel s'est propagée dans tout le pays. Sur le réseau social Twitter, certains chroniqueurs anglophones s'en sont donné à coeur joie. «Le choix n'était pas difficile pour Turmel. Elle a quitté un navire qui prenait l'eau. Seuls les médias anglais pensaient qu'il ne coulait pas», a raillé, en allusion à la défaite historique du Bloc aux élections de mai dernier, le chroniqueur de la chaîne Sun News Charles Adler.

Le Parti libéral estime que le NPD doit maintenant apporter «la clarté» sur les allégeances de sa chef. Pour le Parti conservateur, cela illustre surtout l'incapacité des néo-démocrates à gouverner.

Mais Nycole Turmel espère, elle, tourner la page. «Je regarde vers l'avenir, non vers le passé», dit-elle.