Pour éviter toute fuite inopinée, le gouvernement Harper a sommé le diplomate Richard Colvin de lui remettre tous les documents touchant les détenus afghans qu'il avait en sa possession peu de temps après sa comparution devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire l'an dernier.

M. Colvin est ce diplomate canadien qui a provoqué une tempête politique à Ottawa en affirmant devant un comité parlementaire à l'automne 2009 que le Canada s'était rendu coupable de complicité de torture en transférant aux autorités afghanes des prisonniers qui allaient ensuite être maltraités.

Ces déclarations de M. Colvin, qui avait été le numéro deux à l'ambassade du Canada à Kaboul et qui avait informé les autorités canadiennes de ses craintes en 2006, avaient mis le gouvernement Harper dans l'embarras. Le ministre de la Défense Peter MacKay et les hauts gradés militaires canadiens avaient nié avec véhémence ces allégations et avaient mis en doute la crédibilité du diplomate.

Le ministère de la Justice a envoyé une lettre en mars 2010 à M. Colvin lui intimant l'ordre de remettre tous les documents qu'il détenait au ministère des Affaires étrangères, a appris La Presse.

M. Colvin, qui est toujours employé par la diplomatie canadienne et est actuellement en poste à l'ambassade du Canada à Washington, a obtempéré à cette requête trois mois plus tard, soit le 8 juin 2010, démontrent des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Témoignage terminé

Dans une note d'information rédigée à l'intention du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Lawrence Cannon, et daté du 9 juin 2010, on invoque des raisons de sécurité nationale pour expliquer la décision du gouvernement canadien d'exiger le retour de ces documents.

«La divulgation au public de certaines informations peut avoir une incidence directe sur nos activités, nuire à nos relations et mettre en danger la vie des soldats et des représentants canadiens qui travaillent en Afghanistan», affirme-t-on dans la note d'information obtenue par La Presse récemment.

On ajoute aussi que M. Colvin a terminé son témoignage devant le comité parlementaire et devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, lesquels se sont penchés sur le traitement réservé aux détenus afghans capturés par les Forces canadiennes et transférés aux autorités afghanes.

Toutefois, on précise que si M. Colvin est appelé à témoigner à nouveau, il pourrait obtenir les documents «dont il a besoin pour son témoignage».

«Les règles qui régissent la protection et la divulgation d'informations classifiées sont claires et non ambiguës et le gouvernement du Canada demande à ses employés de respecter les règles régissant le traitement des documents classifiés», peut-on également lire dans la note d'information.

Il a été impossible d'obtenir la réaction de M. Colvin, hier. Son avocat, Owen Rees, a pour sa part refusé de commenter la requête du gouvernement fédéral.

Clore la controverse

Le porte-parole du NPD en matière de Défense, Jack Harris, a affirmé que cette manoeuvre du gouvernement visait à clore de manière définitive la controverse entourant le sort des détenus afghans.

«Ils veulent mettre un couvercle sur toute cette affaire pour s'assurer qu'aucune autre information ne soit divulguée. En toute franchise, je crois qu'ils ont réussi avec la collaboration du Parti libéral et du Bloc québécois», a-t-il affirmé.

Dans la foulée des déclarations de M. Colvin, un comité parlementaire a été mis sur pied pour passer au peigne fin tous les documents du gouvernement portant sur les détenus afghans. Le NPD avait refusé de participer à ce comité.

Après 12 mois de travail du comité, le gouvernement fédéral a rendu publiques 4000 pages de documents largement caviardés en juin. Ces documents ne contenaient pas d'informations nouvelles, mais selon les conservateurs, ils démontraient que le gouvernement Harper n'avait rien à se reprocher dans ce dossier. Les partis de l'opposition ont affirmé au contraire que de nombreuses questions demeuraient toujours sans réponse.