Il y a trop de francophones au sein de la fonction publique, au sein du Parlement et au sein des institutions fédérales.

C'est du moins ce qu'a déjà soutenu le nouveau directeur des communications du premier ministre Stephen Harper, Angelo Persichilli, dans l'une de ses chroniques hebdomadaires publiées dans le Toronto Star.

Dans cette chronique, publiée le 11 avril 2010, M. Persichilli a soutenu qu'il était loufoque de toujours vouloir contenter le Québec pour garder le Canada uni. «C'est non seulement mauvais, c'est contre-productif. En fait le traitement de faveur accordé au Québec contribue à balkaniser le pays de sorte que toutes les provinces sont en train de voir Ottawa comme un simple guichet automatique qui distribue de l'argent», a-t-il avancé.

«Il y en a beaucoup qui sont tannés des lamentations agaçantes d'une province qui continue de crier après ceux qui paient une partie de ses factures et qui sont inquiets de la trop grande représentation des francophones au sein de notre bureaucratie, de notre Parlement et de nos institutions», a-t-il encore écrit, alors qu'il a aussi dénoncé la décision de l'ancien chef du Bloc québécois Gilles Duceppe de faire la promotion de la souveraineté du Québec dans le cadre d'une tournée pancanadienne.

M. Persichilli a souligné dans la même chronique que le Québec reçoit la part du lion du programme de péréquation chaque année - 8,4 milliards de dollars sur 14,2 milliards de dollars en 2009-2010 - et peut ainsi se permettre des

programmes et des services d'une qualité supérieure à ce que l'on trouve dans d'autres provinces considérées riches comme l'Alberta, la Colombie-Britannique ou encore l'Ontario.

Fin d'un mythe

Plus récemment, le nouveau porte-parole de M. Harper a tenu des propos aussi cinglants envers le Québec. Par exemple, après la victoire des conservateurs aux dernières élections, il a affirmé que la majorité remportée par Stephen Harper mettait fin au mythe selon lequel un leader politique était incapable de former un gouvernement majoritaire sans la bénédiction du Québec.

«La fausse prémisse selon laquelle les leaders canadiens pouvaient remporter une majorité seulement avec la bénédiction du Québec était une invention des politiciens francophones, qu'ils se déclarent fédéralistes ou séparatistes», a-t-il notamment écrit en mai dernier.

Le 19 juin, M. Persichilli a écrit que si le Québec a réussi à maintenir son identité distincte, c'est parce qu'il fait partie de la fédération canadienne. «Un Québec indépendant n'aurait aucune chance de survivre dans le contexte nord-américain», a-t-il affirmé dans une charge contre les souverainistes, notamment l'ancien premier ministre Jacques Parizeau. «On a juste à examiner la somme que la province reçoit d'Ottawa et la somme qu'elle contribue à la fédération et vous allez obtenir un indice assez précis de la faisabilité du rêve séparatiste sur le plan économique».

Refus de réagir

Âgé de 63 ans, M. Persichilli travaille comme journaliste depuis une trentaine d'années. Il ne parle pas le français, mais il parle deux autres langues: l'anglais et l'italien. Il a ses entrées dans les communautés ethnoculturelles, des groupes que le Parti conservateur courtise avec énergie depuis 2006.

Joint hier à Toronto, M. Persichilli a refusé de répondre aux questions de La Presse sous prétexte qu'il entreprend ses nouvelles fonctions mardi prochain seulement. Croit-il toujours qu'il y a trop de francophones au sein des institutions fédérales? M. Persichilli a invité La Presse à poser cette question au bureau du premier ministre.

«Je ne suis pas encore le directeur des communications. Je commence mes fonctions la semaine prochaine. Je pourrai répondre à ces questions la semaine prochaine», s'est-il borné à dire.

Toutefois, il a déclaré au site internet du quotidien The Globe and Mail qu'il ne se souvenait pas d'avoir écrit la chronique sur la représentation des francophones à Ottawa. Il a dit avoir «le plus grand respect pour tous les Canadiens et évidemment pour tous les Canadiens qui vivent au Québec, peu importe la langue qu'ils parlent».

Au bureau du premier ministre, Carl Vallé a répété que M. Harper «accorde une place importante au Québec au sein de notre gouvernement. Il est déterminé à ce que la voix des Québécois soit entendue et à construire une base solide d'appuis au Québec au cours des prochaines années».

«Inacceptable»

Le NPD, qui a fait une percée historique au Québec aux dernières élections, a pour sa part critiqué l'embauche de M. Persichilli. «Cela démontre vraiment que les conservateurs ont fait une croix sur le Québec. C'est assez évident», a indiqué le président du caucus du NPD au Québec, Guy Caron.

«Les gens qui ont décidé de l'embaucher - et je présume que M. Harper était du processus - ne peuvent ignorer ce qu'il a écrit dans le passé. S'ils l'ignoraient, cela démontre que le processus n'est pas vraiment rigoureux. S'ils le savaient, cela en dit beaucoup sur l'attitude et la perception de M. Harper envers le Québec. C'est tout

à fait inacceptable.»