Les conservateurs durcissent le ton, mais pas seulement envers les criminels dangereux: ceux qui s'opposent à faire flotter le drapeau canadien pourraient risquer deux ans de prison.

Un projet de loi d'initiative parlementaire endossé par le ministre du Patrimoine James Moore a été déposé aux Communes pour consacrer le droit des Canadiens à faire flotter le drapeau du pays.

Critique, l'opposition n'a pas manqué de souligner qu'il n'y a pas de «crise du drapeau» au Canada, et que le gouvernement devrait s'occuper de problèmes plus pressants comme l'économie chancelante et le chômage.

Parrainé par le député conservateur John Carmichael, le projet de loi C-288 stipule que «nul ne peut empêcher quiconque de déployer le drapeau national».

Il serait interdit, par exemple, pour un propriétaire d'immeuble à logements, d'exiger que ses locataires retirent l'unifolié de leur balcon s'ils souhaitent le voir flotter.

Selon ce que propose le projet de loi, la personne contrevenant à une injonction de la cour en faveur du déploiement du drapeau serait passible d'une amende et d'une peine d'emprisonnement maximale de deux ans.

Selon le ministre Moore, les Canadiens auront ainsi «l'assurance que, s'ils souhaitent afficher leur fierté en leur pays en déployant le drapeau du Canada, ils seront libres de le faire, sans intimidation de leur association de condo ou d'autres voisins qui pourraient trouver cela obstructif».

Mais l'opposition remet en question les priorités du gouvernement qui met de l'avant un tel projet de loi dès la rentrée parlementaire, alors que le pays est peut-être au bord d'une autre crise économique.

«Moi, j'ai à peu près 250 000 personnes devant la porte de mon bureau pour me demander de faire une nouvelle loi sur les drapeaux», a illustré de façon sarcastique le libéral Denis Coderre, signalant que les citoyens lui parlent plutôt de chômage.

Ce projet de loi sur le drapeau canadien n'est qu'une simple tactique de diversion de la part d'un gouvernement mal en point, a renchéri le chef intérimaire du Parti libéral, Bob Rae.

«Les Canadiens sont inquiets au sujet de l'économie. L'économie américaine est à plat, la zone euro est aux prises avec de réels problèmes et eux (les conservateurs) s'occupent de symboles et de drapeaux», a dit M. Rae. Et cela fonctionne, a-t-il lancé, constatant que les journalistes lui ont posé des questions mercredi au «sujet du droit d'un gars de faire flotter un drapeau sur son condo» et non pas sur la crise économique en Europe.

Le bloquiste Jean-François Fortin estime également que la loi est mal conçue.

«Toute personne qui pourrait mettre un drapeau, par exemple sur le terrain de son voisin, que le voisin enlèverait, bien, il pourrait être tenu responsable et encourir une peine (de prison) qui pourrait aller jusqu'à deux ans», a-t-il dit pour montrer l'absurdité du projet C-288.

La peine de prison prévue dans la loi fait aussi sourciller le Nouveau Parti démocratique.

«Quand les conservateurs ont aboli le caractère obligatoire du formulaire long du recensement, un de leurs principaux arguments, c'était de dire que c'était épouvantable, que c'était coercitif parce que ça pouvait amener à une peine d'emprisonnement», a rappelé le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.

«Alors je trouve ça assez ironique qu'ils prévoient une peine d'emprisonnement dans le cas du drapeau canadien», a-t-il fait remarquer.