Les coûts de services de sécurité de la GRC sur la colline du Parlement à Ottawa ont presque doublé depuis deux ans, soit depuis la manifestation de Greenpeace sur le toit de l'édifice de l'Ouest.

De 3,6 millions de dollars en 2009-2010, ces coûts sont passés à 6,3 millions $ en 2010-2011, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Les périodes couvertes vont du 1er avril au 31 mars. Les frais sont associés aux salaires du personnel, à l'entretien des véhicules et carburant, entre autres.

C'est une hausse de taille, d'autant plus qu'au lendemain des attentats du 11 septembre, soit entre 2001 et 2007, le budget de la GRC pour protéger la colline était passé de 800 000 $ à 3 millions $ - une augmentation de 2,2 millions $, comparativement à 2,7 millions $ en 2010-2011.

Tôt le matin du 6 décembre 2009, une vingtaine de militants avaient profité de la présence d'échafaudages le long d'un immeuble du parlement pour escalader discrètement sur le toit et dérouler une bannière de 12 mètres par 17, où l'on pouvait lire: «Harper/Ignatieff: L'inaction climatique coûte des vies». Ils voulaient attirer l'attention des politiciens et du public sur la cause des changements climatiques, à l'ouverture des négociations sur le climat à Copenhague.

Si le coup d'éclat du groupe environnemental n'avait pas fait changer la position du gouvernement dans ce dossier, il avait à tout le moins déclenché un vaste examen de conscience au sein de l'appareil gouvernemental quant à la manière de mieux protéger le haut lieu du pouvoir politique canadien.

Selon des documents obtenus par le National Post l'an dernier, à la suite de ces événements, la GRC avait réitéré ses demandes de longue date pour un financement accru. Le Conseil privé, la branche bureaucratique du bureau du premier ministre, avait quant à elle affirmé dans une note d'information que «des actions pour remédier à la situation» avaient été prises afin de «mitiger les risques» qu'une telle situation se reproduise.

«Un examen a été mené à la suite de la manifestation de Greenpeace et des mesures additionnelles ont immédiatement été déployées sur la colline parlementaire», a confirmé une porte-parole de la GRC, Julie Gagnon, en réponse aux questions de La Presse.

Faisant valoir «des raisons de sécurité», le corps policier n'a pas voulu donner plus de détail sur la nature de ces «mesures additionnelles», ni préciser le nombre d'agents supplémentaires déployés depuis l'incident.

Le sénateur Colin Kenny, ancien président du comité sénatorial sur la défense nationale, estime que la GRC a au moins doublé ses effectifs de patrouille au lendemain de l'événement hautement médiatisé.

«Greenpeace a rendu un fier service au Canada», croit d'ailleurs le sénateur.

Selon lui, on se satisfaisait depuis trop longtemps d'un niveau de sécurité insuffisant autour du parlement au nom de sa symbolique démocratique. «Je ne pense pas que beaucoup de gens se souviennent de ce contre quoi Greenpeace manifestait, dit-il. Mais les politiciens se souviennent tous du fait qu'ils ont été capables de monter sur les édifices. Ce qui prouvait que les mesures sécuritaires à l'extérieur n'étaient pas suffisantes pour assurer la sécurité du gouvernement.»

La sécurité va continuer à être renforcée

La Presse a dû porter plainte au Commissariat à l'information pour obtenir ces informations; la GRC refusait au départ de nous les fournir.

À noter qu'il s'agit d'un portrait incomplet de l'ensemble des dépenses, puisque la GRC ne se charge que de la sécurité extérieure du parlement. Des gardiens de sécurité de la Chambre des communes et du Sénat sont responsables de l'intérieur, tandis que le service de police de la ville d'Ottawa s'occupe des enquêtes criminelles.

Ces coûts n'incluent pas non plus ceux d'une clôture de fer forgé de plus de six pieds qui entoure désormais l'édifice de l'Ouest, qui fera l'objet de rénovations pour encore plusieurs années.

Les coûts devraient tout de même continuer à monter, du moins si l'on en juge par l'année en cours: quatre mois avant la fin de la présente année fiscale, ils s'élevaient à 5,5 millions $.

Selon le sénateur Kenny, on n'a pas fini de voir la sécurité être renforcée sur la colline, d'autant plus que les nombreux travaux de réfection des immeubles parlementaires augmentent l'achalandage, donc les menaces potentielles.

«C'est une étape intermédiaire, dit-il. La sécurité va évoluer sur la colline vers quelque chose de plus substantiel dans un avenir éloigné. Tôt ou tard, nous allons voir les sacs se faire fouiller et les voitures être bannies... Dans 10 ans, ce sera un endroit très différent.»

Le quotidien Le Droit rapportait d'ailleurs, il y a quelques jours, que le gouvernement avait réservé 9 millions $ pour des infrastructures de sécurité dans le cadre de son vaste projet de réfection des immeubles parlementaires. Ces sommes iront à l'installation de barrières, de caméras et de bornes de protection, entre autres.

Greenpeace n'a pas donné suite à nos appels.

- Avec William Leclerc