Le ministre des Finances, Jim Flaherty, s'est félicité cette semaine de «la résilience» de l'économie canadienne alors que plusieurs pays industrialisés ont du mal à contrôler leur dette et sont accablés par des taux de chômage élevés.

Il a aussi confirmé que le gouvernement Harper avait été contraint de revoir ses projections budgétaires devant la crise de la dette souveraine en Europe et la faible reprise économique aux États-Unis.

Ainsi, le déficit, qui doit encore avoisiner les 30 milliards de dollars en 2011-2012, sera finalement éliminé en 2015-2016, soit un an plus tard que promis durant la dernière campagne électorale.

«Cette résilience [de l'économie canadienne] n'est pas le fruit du hasard. Notre pays disposait, au début de la crise, d'un certain nombre d'avantages qui nous ont nettement aidés à en surmonter les effets», a affirmé le ministre Flaherty dans un discours devant la chambre de commerce de Calgary mercredi.

«Parce que nos finances publiques étaient en ordre avant la crise, nous avons pu faire en sorte que le ratio de notre dette nette par rapport au produit intérieur brut demeure nettement inférieur à celui des autres pays du G7 alors que d'autres nations ont majoré massivement la dette qu'elles avaient déjà», a ajouté le grand argentier du pays.

S'il maintient que le gouvernement fédéral «demeure sur la bonne voie pour éliminer le déficit à moyen terme», notamment en comprimant les dépenses annuelles de 4 milliards à partir de 2014-2015, le ministre Flaherty passe tout de même sous silence un chiffre imposant: 183 milliards de dollars.

Cette somme représente le montant d'encre rouge que le gouvernement Harper ajoutera à la dette accumulée entre 2007-2008, dernier exercice financier excédentaire (9,5 milliards de dollars), et 2015-2016, moment où les conservateurs prévoient rétablir l'équilibre budgétaire (surplus de 600 millions).

Ainsi, la dette accumulée passera de 457 milliards à 640 milliards en moins de huit ans - un bond spectaculaire de 40%.

Certes, le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB demeure bas à 35% par rapport au niveau record de 68% dans les années 90. Il est également nettement inférieur à celui de l'Italie (120%) ou encore à celui des États-Unis (100%).

Mais les frais de la dette publique, qui friseront les 31,5 milliards en 2011-2012, passeront à 36,5 milliards en 2015-2016. Pour l'heure, le gouvernement fédéral est favorisé par des taux d'intérêt historiquement bas, ce qui limite la hausse des frais d'intérêt annuels malgré l'augmentation substantielle de la dette accumulée.

Le ministre Flaherty se plaît à mettre en garde les Canadiens qui accumulent les dettes à un niveau record à la faveur des faibles taux d'intérêt depuis un certain temps. Il soutient que ceux-ci ne peuvent qu'augmenter au cours des prochaines années, une situation qui pourrait leur causer des maux de tête financiers s'ils ne ralentissent pas la cadence des emprunts. Mais les mêmes maux pourraient frapper aussi Ottawa.

Dans un document d'information accompagnant la mise à jour économique de Jim Flaherty, les fonctionnaires du ministère des Finances ont indiqué qu'une hausse des taux d'intérêt de 1% pouvait augmenter les charges fédérales de 1,9 milliard de dollars la première année, de trois milliards la deuxième année et de 4,2 milliards la cinquième année.

À quelques reprises, le ministre Flaherty a affirmé dans le passé que le gouvernement conservateur avait la ferme intention de commencer à rembourser la dette accumulée une fois que le déficit aura été éliminé.

Un simple calcul démontre qu'Ottawa mettrait 18 ans - près de deux décennies - à rembourser la dette accumulée entre 2008 et 2015 à condition de dégager un surplus annuel de 10 milliards de dollars.

Durant la période faste des surplus budgétaires, entre 1997-1998 et 2007-2008, le gouvernement fédéral a réussi à rembourser environ 104 milliards de dollars de la dette accumulée. Mais seulement 6 des 11 surplus enregistrés durant cette période atteignaient ou dépassaient les 10 milliards de dollars.

Pour réussir à rembourser une portion de cette dette une fois que le déficit aura été éliminé, le gouvernement fédéral devra faire preuve d'une grande discipline financière et limiter la croissance des dépenses de manière marquée.

Cette discipline sera-t-elle possible alors que les provinces cogneront à la porte pour une augmentation du transfert pour la santé? Les conservateurs opteront-ils pour le remboursement d'une partie de la dette afin de consolider «les avantages» dont jouissaient le Canada avant la crise de 2008? Ou voudront-ils donner la priorité à leurs promesses de la dernière campagne électorale de réduire les impôts des familles en permettant le fractionnement du revenu des couples ayant des enfants de moins de 18 ans ou de faire passer de 5000$ à 10 000$ la limite de cotisation à un CELI? Ces promesses, faut-il le rappeler, sont conditionnelles à l'élimination du déficit. Les débats entourant l'utilisation des futurs surplus risquent d'être houleux à Ottawa.