Des fonctionnaires du gouvernement du Canada tentaient déjà de comprendre pourquoi on leur imposait soudainement la désignation «gouvernement Harper» six mois avant qu'un porte-parole du premier ministre nie l'existence de quelque changement que ce soit.

De nouveaux documents obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information contredisent les propos du porte-parole de Stephen Harper à l'époque.

Dimitri Soudas avait expliqué à la presse qu'aucun fonctionnaire n'avait reçu l'ordre de remplacer la désignation «gouvernement du Canada» par celle de «gouvernement Harper» dans leurs communiqués de presse.

M. Soudas avait même écrit une lettre aux journaux canadiens pour nier catégoriquement l'existence d'une telle directive.

Dans les documents obtenus par La Presse Canadienne, des hauts fonctionnaires font valoir que le changement de désignation s'inscrit dans une tendance troublante de politisation de la fonction publique, en plus de violer des politiques gouvernementales et le code d'éthique des fonctionnaires.

Des sources bien informées indiquent que le torchon brûle toujours à ce sujet entre certains ministères traditionnellement plus indépendants du gouvernement et le Bureau du Conseil privé (BCP), le «ministère du premier ministre».

«La directive que nous avons eue (du bureau du directeur général) est de laisser la désignation «gouvernement Harper» si le BCP l'a utilisée», lit-on dans un courriel destiné à un responsable des communications au ministère de l'Industrie, daté du 5 octobre 2010. «S'il vous plaît, suivez cette règle. Je suis désolé, c'est ce que le BCP a demandé.»

Un autre fonctionnaire lui répond: «Étant donné cette directive, et avec un peu d'inquiétude, j'ai remis en place la formule».

«Le communiqué en français est «harperisé» et prêt à être publié», s'est moqué un autre fonctionnaire.

Des employés de la fonction publique manifestaient clairement dès septembre 2010 leur inquiétude face à l'utilisation de cette nouvelle «stratégie de marque» du gouvernement conservateur.

«Gouvernement Harper» ne respecte pas la Politique de communications du gouvernement du Canada: je dois donc la modifier», s'est même opposé un fonctionnaire du service des communications d'Industrie Canada, après avoir reçu du BCP un communiqué modifié.