Le gouvernement conservateur a été accusé d'avoir manqué de vigilance par rapport au processus législatif après avoir tenté d'apporter des changements de dernière minute à son important projet de loi sur la criminalité, changements qu'il avait pourtant rejetés quand ils avaient été proposés par l'opposition il y a une semaine.

Le porte-parole libéral en matière de justice, Irwin Cotler, essaie depuis des années de faire adopter une loi qui permettrait aux victimes canadiennes d'attentats commis par des organisations terroristes reconnues de les poursuivre.

Il a fait une nouvelle tentative la semaine dernière alors qu'un comité de la Chambre des communes étudiait le projet de loi omnibus C-10 sur la criminalité. Les conservateurs faisant partie du comité ont refusé de discuter des amendements suggérés et se sont empressés de les écarter.

Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a toutefois essayé mardi de présenter des amendements semblables à ceux proposés par M. Cotler après que le comité eut terminé son analyse du projet de loi, mais le président de la Chambre a rejeté sa demande.

Les troupes de Stephen Harper ne savent pas encore si elles vont soumettre les amendements au Sénat. En soirée, mercredi, le projet de loi a franchi l'étape du rapport après que les conservateurs eurent voté pour limiter les discussions sur le projet et les 88 amendements suggérés par les partis d'opposition. Il sera ensuite présenté en troisième et dernière lecture aux Communes.

Pour Jack Harris, le porte-parole néo-démocrate en matière de justice, ce soudain revirement prouve que les conservateurs ne sont pas sérieux quand il s'agit de respecter le processus parlementaire.

«C'est clair que l'adoption de ce projet de loi est accélérée pour des raisons politiques. Ils n'y ont pas vraiment réfléchi», a déclaré M. Harris.

«Ils n'ont pas accepté les amendements que nous avons proposés ni ceux du gouvernement du Québec et c'est très clair que le but est de faire adopter leur projet de loi parce que celui-ci correspond à leur ordre du jour politique et non parce qu'il répond aux besoins des Canadiens», a-t-il ajouté.

Mais une source gouvernementale a expliqué que les amendements avaient été déposés tard sur la table parce que Vic Toews avait continué à rencontrer des parties intéressées jusqu'à la dernière minute afin de déterminer la meilleure façon de traiter le problème.

Les mesures suggérées permettraient aux victimes d'attentats de poursuivre non seulement les organisations terroristes reconnues qui les ont perpétrés mais aussi les États qui ont laissé ces groupes fonctionner en toute impunité ou qui les ont soutenus.

Irwin Cotler veut faire adopter une telle loi depuis l'époque où il était ministre de la Justice sous le règne de Paul Martin. Son projet est toutefois mort au feuilleton lorsque les libéraux ont été défaits en 2006.

«L'une des premières choses que j'ai faites, c'est d'aller voir Stockwell Day, qui était ministre de la Sécurité publique à l'époque, et lui dire: »Stockwell, voici un projet de loi que j'aurais présenté si nous n'avions pas perdu les élections. J'aimerais que votre gouvernement le reprenne«», a raconté M. Cotler.

Plus récemment, le député libéral a rencontré M. Toews afin de discuter de ces mêmes mesures. Il assure que la seule chose qui importe c'est que le projet de loi soit adopté.

«C'est une loi novatrice. Pour la première fois dans notre histoire, les victimes d'actes terroristes auront un recours civil contre ceux qui les commettent», a conclu Irwin Cotler.