Les Québécois qui vont dans les bureaux de Service Canada, principal point de services du gouvernement fédéral, n'y verront pas la moindre décoration de Noël; une directive diffusée il y a trois semaines les a tout bonnement interdites.

Loin de s'en offusquer, un des responsables du syndicat y voit une mesure «tout à fait justifiée» visant à ne pas heurter les sensibilités religieuses.

Le 9 novembre, Marc Simoneau, directeur exécutif principal de Service Canada au Québec, a fait circuler ce courriel dans les 118 bureaux de service du Québec, qui s'occupent de sujets aussi divers que l'assurance emploi, la délivrance des passeports ou les prestations de retraite:

«Voici quelques orientations simples qui devraient vous guider dans vos réponses aux employés désireux de décorer leur centre de Service Canada pour le temps des Fêtes», explique M. Simoneau dans son courriel, obtenu par La Presse.

«1. Aucune décoration dans l'aire d'accueil et dans les espaces de travail accessibles à la clientèle; 2. Décoration permise dans l'aire réservée aux employés, dans la mesure évidemment où on respecte les règles élémentaires de sécurité et de bon goût.»

Surpris de ne pas pouvoir accrocher la moindre couronne de Noël à la vue des visiteurs, des employés se sont adressés à leur syndicat, en vain.

Dans un courriel, également obtenu par La Presse, Guy Boulanger, représentant du Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, explique qu'il approuve cette interdiction.

Cette «simple directive» vise «à s'assurer de ne pas attirer de critiques et de plaintes reliées aux croyances religieuses et aux droits de la personne et qui, par ailleurs, me sembleraient encore tout à fait justifiées», a-t-il écrit mardi. Joint au téléphone hier, M. Boulanger a maintenu cette position.

Résultat de la directive, le complexe Guy-Favreau, principal édifice du gouvernement fédéral au centre-ville de Montréal, est dépourvu de tout signe soulignant l'arrivée prochaine de Noël. Les vastes bureaux de Service Canada, de Passeport Canada ou du Service fédéral de médiation et de conciliation sont aussi ternes que d'habitude.

Les citoyens qui attendaient d'être servis dans les bureaux de Service Canada, hier midi, se sont montrés étonnés lorsqu'un journaliste les a informés de l'interdiction de mettre des décorations de Noël.

«Bien sûr, Noël est une fête chrétienne, mais ces décorations, ça n'a rien d'hostile envers les autres religions», a dit Stéphanie Kova. «Je ne suis pas croyant, mais cette directive m'apparaît ridicule», a dit son voisin, qui a demandé de taire son nom.

La plus critique était Sherin Salem, jeune professionnelle portant le foulard. «Pourquoi cette interdiction? a-t-elle demandé. Je suis musulmane et la fête de Noël est une fête chrétienne, mais ça ne me choque pas du tout qu'elle soit fêtée, au contraire! Il faut fêter!»

De l'autre côté du boulevard René-Lévesque, au complexe Desjardins, le contraste est saisissant. La place centrale de cet édifice, qui abrite de nombreux bureaux du gouvernement du Québec, est occupée par le «village du père Noël»: les sapins vert et blanc, illuminés d'ampoules bleues, entourent «l'hôtel de ville», le renne, la glissoire et la «caisse populaire» du père Noël.

Une maquette géante d'une église complète ce village pour tout-petits. Hayat Yazine, autre jeune musulmane portant le foulard, a dit que ce symbole catholique, dressé dans un lieu public, ne l'offusquait en rien. «C'est très correct, cette église, a-t-elle dit. Pourquoi je serais contre ça?»

La Presse a tenté d'avoir des explications auprès de Service Canada, mais personne ne nous a répondu.