Un débat aux Communes sur le protocole de Kyoto a dérapé, mercredi, lorsque le député libéral Justin Trudeau a traité le ministre de l'environnement de «petite merde». Un épisode qui n'est pas sans rappeler le célèbre «fuddle duddle» lancé par son père il y a 40 ans.

M. Trudeau a lancé cette insulte alors que le ministre Peter Kent répondait, non pas à sa propre question, mais à celle de la néo-démocrate Megan Leslie. Celle-ci pressait le gouvernement Harper d'agir sur les changements climatiques.

«Si mon honorable collègue avait été à Durban, elle aurait vu que le Canada figure parmi les leaders dans le...», a commencé le ministre Kent.

M. Kent n'a jamais terminé sa réponse: Justin Trudeau l'a interrompu en le traitant de «petite merde» («piece of shit»). Le député de Papineau s'est immédiatement levé pour s'excuser à la Chambre. Il a réitéré ses excuses à la fin de la période de questions.

Le député a expliqué son geste ainsi: il y a quelques semaines, le ministre a refusé que des députés de l'opposition l'accompagnent à Durban, où se tenait la conférence sur les changements climatiques. Cela explique la réaction hérissée des partis d'opposition à sa réponse cet après-midi.

«C'est un gouvernement qui a un tel manque de respect pour la vérité et pour les traditions parlementaires que je me suis permis de me comporter de manière antiparlementaire et je m'excuse», a affirmé M. Trudeau à la sortie de la Chambre.

Tel père...

En 1971, des députés de l'opposition ont accusé le premier ministre Pierre-Elliott Trudeau de les avoir envoyé paître en utilisant le terme «fuck off» aux Communes. Dans un point de presse devenu légendaire, celui-ci a juré qu'il avait plutôt utilisé le terme «fuddle duddle».

«Je n'ai pas dit fuddle duddle, a précisé Justin Trudeau, mercredi, ça, c'était une autre génération.»

«C'était une réaction honnête de sa part, d'une certaine manière, a indiqué la députée Leslie, celle à qui le ministre Kent répondait. Il m'est arrivé de mordre ma langue si fort qu'elle saigne dans cette Chambre.»

Les conservateurs y voient la preuve que le Parti libéral a «beaucoup de difficulté» à s'ajuster à son statut de troisième parti. Mais sur les ondes de CTV, le leader parlementaire du parti, Peter Van Loan, a préféré ne pas jeter de l'huile sur le feu.

«Il a fait la bonne chose en se levant à la première occasion et en s'excusant sans réserve», a-t-il indiqué.

Décorum

Plusieurs observateurs ont relevé l'âpreté des échanges à la Chambre des communes depuis que Stephen Harper a décroché sa majorité. Les partis d'opposition ont maintes fois dénoncé le recours au bâillon pour faire adopter des projets de loi controversés, ainsi que l'imposition du huis-clos pour empêcher certains témoignages devant des comités parlementaires d'être rendus publics.

Faut-il y voir une dégradation des moeurs parlementaires? L'ancien ministre libéral Don Boudria, qui a siégé pendant 18 ans à la Chambre, estime que les parlementaires ont commis leur lot d'excès au fil des ans. Et des députés de tous les partis ont péché.

Dans les années 70, relate M. Boudria, un groupe de députés conservateurs a encerclé le président de la Chambre en brandissant leurs poings. Dans les années 80, le ministre conservateur JohnCrosbie a invité la libérale Sheila Copps à lui «passer la tequila», une allusion à une chanson.

Jean Charest, à l'époque où il était ministre conservateur, n'a pas été épargné par les insultes non plus. Un député réformiste l'a invité à se battre en le traitant de «petit têteux grassouillet» («chubby little sucker»).

«Il ne faudrait pas que la population s'imagine que le Parlement est pire maintenant qu'il ne l'a jamais été, estime M. Boudria. Mais pour autant, il ne faudrait pas non plus qu'elle pense qu'il n'y a pas de frustration qui existe au Parlement, surtout par les temps qui courent.»