Le gouvernement canadien n'est «pas du tout» satisfait des progrès dans la reconstruction d'Haïti, affirme le ministre des Affaires étrangères, John Baird. Mais malgré de récents différends avec le président Michel Martelly, le Canada reste engagé à long terme pour lui prêter main-forte.

Voilà presque deux ans qu'un séisme a tué 300 000 personnes dans le pays antillais. Et à ce jour, la moitié des décombres jonche toujours le sol, déplore le ministre Baird, dans une entrevue accordée à La Presse.

Questionné pour savoir dans quelle mesure il est satisfait de la reconstruction, le ministre n'y va pas par quatre chemins: «Pas du tout! s'exclame-t-il. Il y a encore de grands problèmes là-bas.»

L'élection de l'ancien chanteur Michel Martelly, le 20 mars dernier, a suscité beaucoup d'espoir en Haïti. Mais la formation de son gouvernement a pris une éternité. Il a fallu plus de quatre mois pour que M. Martelly réussisse à faire approuver la nomination d'un premier ministre par le Parlement. Ses deux premiers choix ont été rejetés.

La reconstruction d'Haïti est déjà ralentie par le capharnaüm des titres de propriété, un méli-mélo qui empêche les autorités de connaître avec précision qui possède différentes parcelles de terre. À cela s'ajoutent les problèmes de sécurité, de santé et d'éducation. Les lenteurs politiques qui ont suivi l'élection de M. Martelly n'ont donc pas aider, convient le ministre Baird.

«Il est arrivé au pouvoir avec tout cet enthousiasme, prêt à s'attaquer aux problèmes, et voilà qu'il a dû passer quatre mois sans gouvernement, constate-t-il. Nous sommes heureux que son gouvernement ait finalement été approuvé par le Congrès pour qu'on puisse se mettre au travail avec lui.»

«Différence d'opinions»

L'une des premières décisions de M. Martelly a cependant fait grincer des dents au Canada, l'un des pays les plus actifs dans la reconstruction de ce pays. Le président a voulu reconstituer l'armée haïtienne, démantelée depuis 17 ans.

Le Canada n'a pas caché ses réserves devant cette décision. Ottawa estime que le gouvernent serait mieux avisé de renforcer la police nationale, dont le sous-financement est chronique. M. Martelly a finalement repoussé la reconstitution de l'armée, mandatant une commission pour étudier le dossier.

Malgré cette «différence d'opinions», dit John Baird, le Canada reste résolument engagé envers Haïti.

«Nous restons déterminés à travailler avec le président Martelly et son gouvernement sur la reconstruction, dit-il. Ce n'est pas un effort d'un an, c'est un effort de dix ans.»

M. Baird compte d'ailleurs visiter le pays «très bientôt» en 2012 pour faire le suivi sur les efforts de reconstruction.

Réputation

Les partis de l'opposition à Ottawa accusent le gouvernement Harper d'avoir terni la réputation du Canada dans le monde. Le pays, disent-ils, risque de subir les contrecoups de son alignement sans réserve sur Israël, sans compter son récent retrait du protocole de Kyoto.

Mais le chef de la diplomatie canadienne rétorque qu'il n'en est rien. Selon lui, les craintes à propos de la réputation internationale du Canada sont avant tout une création des partis de l'opposition.

«Pendant mes sept mois comme ministre des Affaires étrangères, je pense qu'il y a peut-être un ou deux, peut-être trois ministres qui m'ont parlé de notre position sur les changements climatiques, relate John Baird. J'ai été au Moyen-Orient pendant cinq jours en novembre et personne ne m'a parlé de notre position sur Israël.»

Le Canada a maintes fois dénoncé la répression sanglante du soulèvement en Syrie, qui a fait plus de 5000 morts jusqu'ici. Mais une intervention militaire comme celle qui a permis de déloger Mouammar Kadhafi en Libye est exclue pour le moment.

En premier lieu, la Chine et la Russie empêcheraient une telle opération d'être approuvée par le conseil de sécurité des Nations unies. Ensuite, l'opposition syrienne n'a jamais demandé l'aide étrangère.

John Baird décèle toutefois des signes encourageants dans l'action diplomatique des dernières semaines. La Ligue arabe et la Turquie ont redoublé la pression sur le régime syrien pour qu'il cesse la répression, adoptant même des sanctions. L'opposition s'organise, et des soldats commencent à déserter l'armée.

«Il y a deux mois, je ne voyais pas la lumière au bout du tunnel, confie le ministre. En fait, je ne voyais même pas le tunnel. Maintenant, on commence à voir le progrès.»