La GRC a espionné Bob Rae pendant ses années d'université et aurait monté son petit dossier sur l'actuel chef du Parti libéral du Canada, selon des nouveaux documents «déclassifiés».

Les policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), inquiets de l'ébullition politique observée sur les campus universitaires à la fin des années 1960, surveillaient notamment l'association étudiante de l'Université de Toronto. Ils profitaient apparemment des services d'un informateur pour colliger des informations sur Bob Rae et d'autres dirigeants de l'organisation.

Le service de sécurité de la GRC s'intéressait de près aux universités, aux syndicats, aux groupes pacifistes et à une myriade d'autres organisations durant la Guerre froide, afin d'y identifier des militants d'extrême-gauche.

Réagissant à cette information cette semaine, un Bob Rae surpris a assuré qu'il n'avait jamais soupçonné être l'objet d'espionnage.

Des centaines de pages rédigées par le service de renseignement de la police fédérale ont été dévoilées à La Presse Canadienne par Bibliothèque et Archives Canada.

Le service de renseignement de la GRC a été dissous en 1984 après une série de scandales. Une nouvelle agence civile, le Service canadien du renseignement de sécurité, a pris le relais pour l'essentiel de la surveillance intérieure.

Durant l'année scolaire 1968-69, M. Rae était un des dirigeants de l'association étudiante de son université, alors présidée par Steven Langdon, futur député néo-démocrate à Ottawa. Les deux jeunes hommes étaient considérés comme des modérés parmi leurs camarades à l'association, campés clairement à gauche ou à droite de l'échiquier politique.

Le futur premier ministre néo-démocrate ontarien avait aussi collaboré à l'organisation de grandes conférences étudiantes, notamment aux côtés d'un certain... Michael Ignatieff, prédécesseur de M. Rae à la tête des libéraux fédéraux.

«C'était une période excitante», a relaté Bob Rae cette semaine. «Nous avons réussi à faire modifier le mode de gouvernance de l'Université de Toronto. Il y avait beaucoup de militants sur le campus et de discussions sur la politique.»

«C'est ce qu'on fait à l'université. L'idée d'avoir un policier dans le fond de la pièce qui note tout... J'imagine qu'à l'époque, ça faisait aussi partie de la réalité.»

Bob Rae est devenu chef par intérim du Parti libéral du Canada après la démission de Michael Ignatieff juste après le scrutin du 2 mai dernier. Alors que la conférence biennale de la formation politique arrive à grands pas, plusieurs s'attendent à voir Bob Rae tenter de prendre la tête du parti de façon moins «intérimaire».

En tant qu'étudiant engagé, M. Rae se préoccupait plutôt des rénovations des résidences universitaires et de l'augmentation des admissions aux études supérieures.

Une note secrète et fortement caviardée rédigée par un sergent de la GRC le 4 novembre 1968, probablement sur la base de renseignements fournis par un informateur, indique que sept personnes, dont Bob Rae, planifiaient de se rencontrer pour discuter d'enjeux étudiants.

Dans les années 60, la GRC se préoccupait particulièrement de la possibilité que des étudiants veuillent imiter les campus américains, qui avaient politiquement explosé avec la guerre du Vietnam.

Leurs craintes étaient sans fondements, croit aujourd'hui Bob Rae. «Nous n'avions pas de service militaire et nous n'avions pas la guerre au pas de notre porte», a-t-il soutenu. «Je crois qu'il y avait un niveau de radicalisme beaucoup plus élevé chez les étudiants américains que chez les canadiens.»