Les engagements pris par le gouvernement Harper au sommet des Premières Nations de mardi n'inspirent pas confiance à la chef d'Attawapiskat, cette réserve ontarienne où sévit une crise humanitaire qui a attiré l'attention du monde entier.

Theresa Spence, qui dirige la communauté de 1800 habitants, était à Ottawa, mercredi, pour prononcer un discours devant l'Economic Club du Canada. Selon elle, les communautés autochtones comme la sienne ont besoin d'une aide immédiate du gouvernement fédéral, et non la mise sur pied de groupes de travail.

«Que le gouvernement dise qu'il va produire un rapport d'ici 2013, c'est long, a-t-elle déclaré lors d'un point de presse. Je n'éprouve pas une grande confiance face au gouvernement en ce moment.»

La crise humanitaire qui sévit dans cette communauté du nord de l'Ontario est devenue telle que ses dirigeants ont fait appel à la Croix Rouge, l'automne dernier. Des dizaines de familles s'entassent dans des cabanes et des tentes, sans électricité ni eau courante.

Des médias du monde entier se sont intéressés au sort de cette réserve. Un émissaire de l'ONU a demandé des explications au gouvernement Harper dans la foulée de cette affaire.

Bien qu'elle voit dans le sommet de mardi un «petit pas» en avant, Theresa Spence digère mal que le gouvernement Harper ait mis sa réserve en tutelle lorsqu'elle a sonné l'alarme sur les conditions de vie de ses concitoyens. Selon elle, Ottawa doit fournir une aide concrète aux autochtones.

Elle souhaite également l'abolition de la Loi sur les indiens, ce document datant de 1876 qui définit les autochtones comme des mineurs.

«Vous avez tous vu la pauvreté qui sévit au quotidien dans les réserves éloignées, a-t-elle dit dans son discours. S'il n'y a pas de mouvement, il y aura un jour du chaos et des morts. J'en vois déjà des indices aujourd'hui.»

Après une longue journée de pourparlers avec 400 leaders autochtones, mardi, le premier ministre Stephen Harper a pris cinq engagements (voir capsule) mais n'a pas annoncé de mesures concrètes qui aideront les Premières Nations à court terme.

Ottawa mise sur une approche pragmatique pour améliorer la situation des autochtones: les intégrer à l'économie, alors que la demande pour les ressources naturelles du Canada est en plein boom.

«Nous avons une opportunité unique parce que le monde veut ce que le Canada a, des ressources naturelles, a observé le ministre des Affaires autochtones, John Duncan, lors d'un point de presse retransmis par la chaîne CPAC. Plusieurs communautés des Premières Nations en difficulté sont précisément situées dans des endroits où l'on s'attend à du développement des ressources.»

Redevances

Mais plusieurs leaders autochtones déplorent que le gouvernement n'a pris aucun engagement sur le partage des retombées des ressources naturelles, une demande de longue date des Premières Nations. Mme Spence souligne qu'une mine de diamants se trouve à une centaine de kilomètres de sa réserve. Les gouvernements du Canada et de l'Ontario touchent de généreuses redevances grâce à cette industrie, dit-elle, «alors que nous recevons si peu».

«Les traités ont toujours prévu qu'il y aurait un partage de la richesse et des ressources des terres des Premières Nations, a affirmé le chef de l'Assemblée des Premières Nations, Shawn Atleo. Cela ne s'est pas produit.»

Les cinq engagements du gouvernement Harper

1- Renouveler la relation

Former un groupe de travail pour avancer «sur la voie d'un seul arrangement financier pluriannuel» qui permettrait aux communautés les plus performantes d'obtenir un financement plus stable et prévisible. Ce système remplacerait le régime des enveloppes renouvelées chaque année de manière «arbitraire» selon les termes de l'Assemblée des Premières Nations. Il permettrait aux communautés de mieux planifier leur développement et faciliterait leurs rapports avec les banques.

2 - Gouvernance

Travailler «à l'élaboration des solutions qui permettront d'éliminer les obstacles nuisant à la gouvernance». Le gouvernement Harper n'entend pas abolir la Loi sur les indiens d'un coup, comme le réclame Shawn Atleo, mais bien d'en modifier certains éléments. La Loi sur les indiens est considérée par plusieurs comme la principale source du clivage entre autochtones et le reste des Canadiens. Elle leur confère le statut de mineur, ce qui les empêche, par exemple, de contracter un prêt dans une banque sans l'autorisation d'Ottawa.

3 - Revendications territoriales

Respecter les traités existants et «trouver un terrain d'entente en vue de leur mise en oeuvre».

4 - Éducation

Donner suite «le plus rapidement possible» aux recommandations d'un Panel national sur la qualité de l'éducation primaire et secondaire. S'entendre sur un mécanisme de résolution d'éventuels désaccords.

5 - Développement économique

Établir d'ici trois mois un groupe de travail qui présentera des recommandations sur la manière de «débloquer davantage le potentiel économique des Premières Nations». Le gouvernement Harper mise sur l'industrie des ressources naturelles pour intégrer les autochtones à l'économie.