Des groupes militants accusent le gouvernement Harper d'avoir adopté de nouvelles règles qui pourraient empêcher les transsexuels et transgenres de prendre l'avion.

La disposition en litige, qui touche le contrôle d'identité dans les aéroports, est entrée en vigueur le 29 juillet dernier. Elle «interdit au transporteur aérien de transporter un passager [qui] ne semble pas être du sexe indiqué sur la pièce d'identité qu'il présente».

Ottawa soutient que les transsexuels et transgenres pourront toujours voyager s'ils sont munis d'un certificat médical.

Lettres au ministre

Depuis quelques jours, les protestations contre ces changements ont déferlé dans les réseaux sociaux. Au moment de mettre sous presse, une pétition pour «dire à Harper de permettre aux personnes trans de voyager en avion» avait amassé plus de 5000 signatures.

Lundi, le Conseil québécois des gais et lesbiennes (CQGL) a écrit au ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, pour l'exhorter à modifier ce règlement «discriminatoire».

La règle «contrevient aux droits d'un nombre important de citoyens transsexuels et transgenres de voyager librement au Canada, tel que stipulé à l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés portant sur la liberté de circulation», soutient l'organisme.

Le NPD a aussi envoyé une lettre au ministre Lebel hier, pour lui demander de clarifier sa position.

Le problème, a expliqué Julie-Maude Beauchesne, porte-parole du CQGL, tient au fait que bon nombre personnes transsexuelles ou transgenres n'ont pas obtenu de changement de sexe officiel des autorités provinciales.

En effet, seules les personnes qui ont subi un changement chirurgical peuvent légalement demander une modification à leur état civil. Or, plusieurs sont en attente d'une opération ou préfèrent ne pas s'engager dans cette voie.

Résultat: la possibilité que le sexe indiqué sur les pièces d'identité d'un voyageur ne concorde pas avec son apparence est bien réelle.

Certificat médical

Au bureau du ministre Lebel, on maintient qu'il s'agit d'abord et avant tout d'une question de sécurité et on se défend de faire de la discrimination.

Un porte-parole, Pierre Florea, a souligné que les nouvelles dispositions prévoient qu'une personne dont «l'apparence a changé pour des raisons médicales» et qui «ne ressemble pas à la photo» sur sa pièce d'identité peut présenter «au transporteur aérien un document qui est signé par un professionnel de la santé».

Mais s'il est vrai que, au Canada, les «troubles de l'identité de genre» sont considérés comme un trouble mental, il est faux de prétendre que toutes les personnes transsexuelles ou transgenres ont un billet du médecin, précise Julie-Maude Beauchesne. C'est particulièrement vrai pour ceux qui n'ont pas subi d'opération.

La porte-parole du CQGL estime que, dans les circonstances, le problème n'est pas tant que l'apparence d'un voyageur «a changé pour des raisons médicales» et qu'il «ne ressemble pas à la photo» de sa pièce d'identité que le fait qu'il «ne semble pas être du sexe indiqué sur la pièce d'identité qu'il présente».

Aucun cas

Le porte-parole du ministre a insisté pour dire que, à sa connaissance, aucun voyageur ne s'est vu refuser l'accès à un avion pour cette raison.

Du côté des associations ou des personnes que La Presse a jointes, nul n'a pu citer de tel cas. Même chose du côté des transporteurs aériens. Air Canada et WestJet estiment toutefois qu'ils ne peuvent que respecter le règlement fédéral.

La situation pourrait poser problème pour les personnes qui ont entamé le processus de l'opération, notamment: la clinique de l'un des experts canadiens en la matière, le Dr Pierre Brassard, se trouve à Montréal. Sur l'internet, certains craignent que les nouvelles règles nuisent directement aux patients du plasticien québécois.

Le nombre de personnes transgenre est difficile à évaluer. Le Conseil québécois des gais et lesbiennes estime qu'il y en a environ 5000 au Québec et 25 000 au Canada, soit une personne sur 1500. Une experte de la question, Line Chamberland, de l'UQAM, hésite cependant à avancer un chiffre, en raison du manque de données précises de recensement.

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Combien de transgenres?

Le nombre de personnes transgenre est difficile à évaluer. Le Conseil québécois des gais et lesbiennes estime qu'il y en a environ 5000 au Québec et 25 000 au Canada, soit une personne sur 1500. Une experte de la question, Line Chamberland, de l'UQAM, hésite cependant à avancer un chiffre, en raison du manque de données précises de recensement.