Le Parti conservateur, le Parti libéral et le NPD demandent à Élections Canada d'enquêter sur des pratiques de financement du Bloc québécois sous la direction de Gilles Duceppe.

Le Journal de Montréal a rapporté hier que le fait d'avoir payé le directeur général de la formation à même le budget de la Chambre des communes, entre 2004 et 2011, pourrait avoir violé la Loi électorale du Canada.

Cette loi prévoit en effet que seul l'agent principal d'un parti politique peut payer les dépenses du parti ou recevoir des contributions. Ces contributions peuvent être financières ou non. Par exemple, la valeur commerciale d'un service autre qu'un travail bénévole peut être considérée comme une contribution non financière. La loi électorale interdit également aux entités, comme des entreprises, organismes ou syndicats, de contribuer à la caisse d'une formation fédérale.

«Nous croyons qu'Élections Canada devrait faire enquête et nous nous attendons à ce que le Bloc retourne tout l'argent qui aurait été reçu de manière inappropriée», a déclaré Carl Vallée, porte-parole du premier ministre Stephen Harper.

Règles sur les contributions

Élections Canada n'a pas voulu confirmer ni infirmer si une enquête avait été déclenchée. «Nous ne faisons pas de commentaires sur les cas particuliers», a déclaré un porte-parole, John Enright.

«En général, a-t-il cependant précisé, le fait d'offrir gratuitement des biens ou des services à une entité politique revient à verser une contribution non financière à cette entité politique. Ces contributions sont assujetties à toutes les règles sur les contributions, y compris les plafonds des contributions.»

La contribution maximale qu'un individu peut faire à un parti politique est actuellement d'environ 1200 dollars par année. Le salaire annuel du directeur général du Bloc a pu dépasser les 100 000$, particulièrement vers la fin de son mandat.

Des experts interrogés par La Presse ont affirmé que le Bloc québécois semble avoir enfreint la Loi électorale. «Une entreprise, Imperial Oil par exemple, ne peut payer le salaire du directeur général d'un parti politique. Ce n'est pas permis par la loi. La Chambre des communes ne peut non plus le faire. La somme en cause dépasse aussi le maximum que l'on peut donner à un parti politique», a affirmé un de ces experts, qui a préféré garder l'anonymat.

«Fonctions parlementaires»

La Presse a révélé il y a deux semaines qu'entre 2004 et 2011, Gilles Duceppe a payé le salaire du directeur général du Bloc en puisant dans le budget de fonctionnement de son cabinet à Ottawa, accordé par la Chambre des communes.

Les autres partis fédéraux jugent que cette pratique viole les règles de la Chambre. Ces règles prévoient que les députés doivent utiliser l'argent du Parlement pour accomplir des fonctions parlementaires. Le NPD, le Parti libéral et le Parti conservateur disent qu'ils ont toujours payé leurs directeurs à même les fonds de leur parti.

Le Bloc et Gilles Duceppe affirment au contraire que les «fonctions parlementaires» telles que définies dans le règlement sont larges et incluent les activités partisanes. M. Duceppe maintient depuis le début de la controverse qu'il a agi en toute légalité.

Le Bureau de régie interne, chargé de rédiger les règlements de la Chambre, de les interpréter et de les appliquer, a déjà entrepris une enquête. L'ancien chef bloquiste doit se rendre à Ottawa lundi pour présenter sa version des faits. La rencontre avec les membres de l'influent comité, qui sont en majeure partie des députés, se fera derrière des portes closes.

L'enquête d'Élections Canada s'ajouterait à cette première démarche. «C'est à Élections Canada de décider, mais c'est certainement une question légitime, à mon avis», a déclaré le député libéral Marc Garneau.

«On va attendre de voir les conclusions de l'enquête d'Élections Canada. Mais si ces conclusions-là révèlent que les lois n'ont pas été respectées, on pense que le Bloc devrait rembourser», a renchéri la directrice nationale et agente officielle du NPD, Chantal Vallerand.