Le Bureau de régie interne de la Chambre des communes élargit son enquête dans l'affaire Gilles Duceppe. C'est ce qu'a annoncé le comité, lundi, au terme d'une rencontre d'un peu plus d'une heure avec l'ancien chef du Bloc québécois, derrière des portes closes dans une salle du parlement.

Le Bureau, responsable de rédiger les règlements de la Chambre et de les faire respecter, cherche à déterminer si l'ancien chef bloquiste s'y est conformé lorsqu'il a payé le directeur général de son parti, Gilbert Gardner, à même les fonds fournis par la Chambre des communes pour le fonctionnement de son cabinet à Ottawa. Cette pratique a eu lieu au moins de 2004 à 2011.

«Par suite de sa comparution et des renseignements fournis, de nombreuses autres questions ont été soulevées. Le Bureau poursuivra son examen et en élargira la portée», ont déclaré les membres du Bureau en fin de journée. Des acteurs-clés du dossier, dont Gilbert Gardner et François Leblanc, ancien chef de cabinet de Gilles Duceppe, pourraient être appelés à témoigner.

«Il semble qu'il y avait plus que le directeur général du parti à Montréal qui était payé à même les fonds publics octroyés par la Chambre des communes. Nous devons entendre d'autres témoins pour aller au fond de cette affaire», a affirmé à La Presse le leader du gouvernement en Chambre, le ministre Peter Van Loan, qui est membre du Bureau de régie interne.

Au terme de la rencontre, l'ancien chef bloquiste est quant à lui resté sur sa position. «Je suis tout à fait à l'aise, a-t-il dit au cours d'un bref point de presse. Depuis quand respecter la loi serait un manque à l'éthique?»

Pas d'avis d'expert

Pour la première fois, cependant, M. Duceppe a reconnu qu'il ne disposait d'aucun avis d'expert ou d'employés de la Chambre des communes attestant la légalité d'une telle pratique au moment de l'instaurer.

«L'opinion qu'on avait reçue, parce que ça s'est fait très rapidement, ces discussions-là, au téléphone, c'est une opinion d'Élections Canada sur un autre sujet. Mais notre opinion était basée sur les textes de la Régie interne», a-t-il déclaré.

Dans une entrevue accordée à La Presse, il y a quelques semaines, il avait pourtant affirmé qu'il avait toujours sollicité l'avis d'experts, dont celle du contrôleur de la Chambre des communes et de représentants d'Élections Canada, avant de faire de tels gestes.

«Des sources dans l'ancienne garde rapprochée de M. Duceppe ont expliqué que la manière de rémunérer M. Gardner avait été autorisée par des experts du Parlement», avait aussi rapporté Le Devoir le 24 janvier.

Opinion d'avocat

À défaut d'une telle autorisation, M. Duceppe a plutôt distribué lundi une «opinion complémentaire», rédigée par son avocat, François Gendron. Comme l'opinion préliminaire rendue publique il y a quelques semaines, cet avis juridique réitère la position de M. Duceppe: la définition donnée aux termes «fonctions parlementaires» dans le règlement de la Chambre inclut les «questions partisanes»; «le mode de rémunération de M. Gardner comme directeur général du Bloc québécois était parfaitement conforme aux règlements», conclut Me Gendron.

Les autres partis ont une interprétation fort différente: le fait de payer le directeur général du parti à même les fonds destinés aux fonctions parlementaires d'un député ou d'un chef va bien au-delà de ce que permettent les règles, selon eux. Le Parti conservateur, le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral affirment qu'ils n'ont jamais payé le salaire du directeur général de leur parti à même les fonds publics.