Après le tollé de l'opposition et les critiques acerbes qui ont fusé dans les médias sociaux, le gouvernement Harper s'est dit prêt, mercredi, à écouter les suggestions d'amendements à son projet de loi sur la cybersurveillance.

Le projet de loi C-30, rebaptisé par le gouvernement «le projet de loi pour la protection des enfants contre les cyberprédateurs», a été déposé mercredi et a aussitôt été mal reçu par l'opposition.

Même quelques députés conservateurs ont manifesté un certain inconfort avec le projet législatif.

Avec cette future loi, le gouvernement veut notamment obliger les fournisseurs de services Internet et de cellulaires à dévoiler à la police - sans mandat judiciaire - une série d'informations informatiques permettant d'identifier un individu qui a commis ou est soupçonné d'avoir commis un crime.

Mais selon les partis d'opposition, C-30 permet l'espionnage des Canadiens qui utilisent un téléphone cellulaire ou un ordinateur et constitue une atteinte indue à leur vie privée.

Mercredi, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a démontré au Parlement une certaine ouverture à écouter les critiques de C-30.

«Nous allons considérer des amendements», a-t-il indiqué.

Pour sa part, le premier ministre Stephen Harper a déclaré en Chambre que «nous allons nous assurer que le Parlement étudie ce projet en profondeur et que la vie privée des citoyens soit protégée».

Le gouvernement est même allé jusqu'à dire qu'il souhaitait envoyer le projet directement en comité parlementaire pour étude. Selon le leader du gouvernement à la Chambre, Peter Van Loan, cela laisse beaucoup plus de place à l'étude et aux changements.

«Ce que cela signale est que le gouvernement est ouvert à un large spectre de changements pour trouver l'équilibre entre fournir les outils adéquats à la police (...) tout en s'assurant que la vie privée des individus soit protégée», a-t-il expliqué.

Bob Rae, le chef intérimaire du Parti libéral, a rétorqué qu'il espérait que les députés qui allaient suggérer des modifications à C-30 ne seraient pas qualifiés de «pédophiles» par les conservateurs. Il faisait ainsi référence aux déclarations du ministre Toews, lundi, qui avait dit que les opposants à C-30 soutenaient les pédophiles, déclenchant aussitôt un tollé au Parlement.

«On a détecté aujourd'hui une ouverture de la part du gouvernement. Je pense qu'ils ont commencé à voir que ça a provoqué un tollé et puis ils se disent maintenant ouverts à des changements. C'est encourageant. C'est dommage qu'on soit obligés de pousser si fort, pas seulement l'opposition, mais le public canadien qui s'est vraiment enflammé sur cette question», a commenté le libéral Marc Garneau.

Quant au néo-démocrate Charlie Angus, il n'accorde pas beaucoup de foi aux promesses du ministre de la Sécurité publique. Pas plus que la bloquiste Maria Mourani.

«Est-ce que quelqu'un croit pour un instant que Vic Toews est ouvert à modifier cette loi sans pression politique? On a attaqué ce projet de loi et on va continuer à le faire parce que ce projet met en danger les libertés fondamentales des Canadiens», a lancé M. Angus.

Le malaise s'est répandu chez quelques conservateurs, qui se méfient d'ordinaire des lois qui obligent la divulgation d'informations personnelles. Ils avaient d'ailleurs utilisé cet argument pour se débarrasser du registre des fusils de chasse et du long formulaire de recensement.

«J'ai des préoccupations sur une façon dont ce projet est rédigé, a déclaré le député conservateur John Williamson. Je pense que c'est trop envahissant, la façon dont il est fait actuellement, et cela doit être évalué. Je crois qu'il y a beaucoup d'inquiétude au pays.»