Les partis de l'opposition sont catégoriques: le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a mal fait ses devoirs avant de présenter le projet de loi C-30 visant à donner de nouveaux outils aux policiers pour mettre la main au collet des cyberprédateurs.

La seule option qui s'offre maintenant au ministre Toews est de retirer ce projet de loi et de reprendre tout le travail à zéro.

«Le ministre n'a pas fait ses devoirs. Il doit jeter ce projet de loi aux poubelles et retourner à la planche à dessin», a affirmé hier le député néo-démocrate Jack Harris.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti libéral sont d'autant plus indignés que Vic Toews a admis, en fin de semaine, dans une entrevue à la radio de CBC, ne pas connaître certaines dispositions du projet de loi, notamment l'article 17 qui donnerait le pouvoir aux policiers d'exiger des informations personnelles sur les internautes sans obtenir un mandat lorsque des «circonstances exceptionnelles» le justifient, et ce, même si aucune enquête criminelle n'est en cours.

«C'est la première fois que j'entends que cela étend les pouvoirs ordinaires des policiers dans une situation d'urgence. À mon avis, il ne le fait pas. Et il ne devrait pas», a affirmé le ministre Toews dans l'entrevue accordée dans le cadre de l'émission The House.

Propos «ahurissants»

Selon le député Jack Harris, les propos de Vic Toews sont «ahurissants» et minent sa crédibilité en tant que ministre du gouvernement Harper.

«Il est incroyable de voir qu'un ministre dépose un projet de loi, insulte les gens qui s'y opposent en disant que ces derniers se rangent du côté des criminels, et qu'au même moment, il dit ne pas savoir le contenu du projet de loi», a affirmé M. Harris.

Il a ajouté qu'il incombe au premier ministre de décider du sort du ministre Toews. «Si nous avions le choix, il ne serait certainement pas ministre de la Sécurité publique. Il n'est pas un ministre à la hauteur de ses fonctions.»

Le député libéral Francis Scarpaleggia s'est aussi dit étonné par les propos du ministre, mais il n'est pas allé jusqu'à réclamer sa tête.

«C'est décevant qu'un ministre ne connaisse pas intimement le projet de loi qu'il propose, surtout quand il s'agit d'un projet de loi d'une si grande envergure et qui touche la vie de tous les Canadiens tous les jours. Il ne s'agit pas d'un projet de loi technique qui change le nom d'un ministère ici», a dit le député libéral.

Appui des policiers

Malgré les nombreuses critiques, l'Association canadienne des chefs de police et l'Association canadienne des policiers ont donné leur appui hier au projet de loi dans sa forme actuelle.

Déposé aux Communes la semaine dernière, le projet de loi C-30 vise à donner plus de pouvoirs aux forces policières ou à des agences gouvernementales qui font de la surveillance sur l'internet sur plusieurs autres types de crimes. Il obligerait les fournisseurs de services internet et de cellulaires à dévoiler à la police une série d'informations permettant d'identifier un individu qui a commis ou est soupçonné d'avoir commis un crime, et ce, sans mandat judiciaire.

Il s'agit ici du nom d'un individu, son adresse, son numéro de téléphone, son adresse courriel, son adresse IP (un code numérique qui identifie l'ordinateur) et le nom de l'entreprise de télécommunications qui lui fournit les services.

Les entreprises de télécommunications seraient aussi tenues de mettre en place et de maintenir des installations technologiques suffisantes pour intercepter des messages et des conversations afin de transmettre cette information à la police, en plus de conserver les données pour une certaine période.

Les partis de l'opposition, deux commissaires à la vie privée au pays, des groupes de défense des libertés et des députés conservateurs ont dénoncé certaines clauses du projet de loi, estimant qu'il s'agissait d'une invasion de la vie privée et du retour en force de Big Brother.

Devant le tollé, le gouvernement Harper s'est dit prêt à modifier le projet de loi et a même décidé de le confier à un comité parlementaire pour qu'il l'étudie dans les plus brefs délais.

- Avec La Presse Canadienne