Le ministre fédéral Christian Paradis est intervenu auprès d'une de ses collègues du cabinet de Stephen Harper pour que le centre d'assurance emploi de Rimouski déménage vers sa circonscription, dans les locaux d'un associé de sa famille.

Dans le cadre de la réorganisation du traitement des demandes d'assurance emploi, le centre de traitement de Rimouski sera en effet remplacé par un nouveau immense centre de traitement à Thetford Mines, dans la circonscription de Mégantic-L'Érable.

Les employés seront installés dans un ancien magasin Canadian Tire, où le gouvernement loue déjà des locaux pour un centre de Service Canada. Selon nos recherches, l'immeuble appartient à la société à numéro 9183-0497 Québec inc., dont le principal actionnaire est l'avocat et homme d'affaires Ghislain Dionne.

M. Dionne est associé avec le père de Christian Paradis au sein du cabinet d'avocats Paradis-Dionne. Christian Paradis était lui-même le troisième associé du cabinet avant son élection.

Grogne à Rimouski

Le ministre Paradis s'est réjoui de l'annonce du déménagement l'automne dernier. En entrevue avec le journal local Courrier Frontenac en septembre, il a souligné son rôle dans le déménagement, qui pourrait se traduire par 58 nouveaux emplois à Thetford Mines.

«J'ai fait mes représentations auprès de la ministre. Nous avons un beau centre qui est bien situé et nous avons eu des recommandations positives de la part du Ministère. Nous avons démontré qu'on a un centre de qualité, avec un personnel de qualité. C'est une excellente nouvelle pour la région», a-t-il dit.

L'affaire sème la grogne à Rimouski, où syndicats et politiciens déplorent la perte d'emplois de qualité pour la région.

Déjà furieux du déménagement, le député néo-démocrate Guy Caron n'a pas hésité à parler de «conflit d'intérêts» en apprenant que le nouveau centre sera locataire chez un proche de la famille Paradis.

«C'était déjà une grosse manifestation de patronage de déménager le centre de Rimouski sans raison vers un comté conservateur. Mais là, c'est non seulement du patronage, c'est carrément un conflit d'intérêts!», affirme le député, qui estime la perte de retombées économiques pour la région de Rimouski à 1,2 million.

La FTQ, qui dénonce la perte de 37 «bons emplois» de fonctionnaires qualifiés à ,Rimouski, est aussi cinglante.

«C'est M. Paradis lui-même qui s'est vanté d'une intervention pour amener ça dans sa cour. Ça fait un peu Duplessis. Ça va appauvrir la région du Bas-Saint-Laurent. On avait tout ce qu'il faut, à Rimouski et le bureau y était déjà un centre de traitement, contrairement à Thetford», s'offusque Alain Harrisson, conseiller régional de la FTQ pour la région.

Pas de commentaires

Le bureau de la responsable du dossier, la ministre des Ressources humaines Diane Finley, n'a pas été en mesure de donner la raison exacte du déménagement cette semaine. Les responsables assurent que plusieurs facteurs ont été pris en compte dans la réorganisation du réseau, dont les loyers, le parc immobilier et la disponibilité des employés.

Questionnés à ce sujet, ni M. Dionne ni M. Paradis n'ont souhaité discuter du dossier.

«Le ministre Paradis est dans l'ouest du pays pour la semaine et il ne fera pas de commentaires», a répondu son directeur des communications, Richard Walker.

Rappelons que le gouvernement Harper a annoncé en août dernier qu'il compte réduire ses dépenses en automatisant le traitement des demandes d'assurance emploi et en centralisant le travail à l'intérieur de 22 grands centres régionaux au Canada, plutôt que le laisser dispersé dans les quelque 120 bureaux de traitement actuels.

Au Québec, 6 «mégacentres» remplaceront les 25 centres de traitement. Le gouvernement conservateur compte réduire le nombre d'employés nécessaires et réaliser des économies administratives d'environ 15%. Au bureau de la ministre Diane Finley, on souligne que les services de première ligne à la population ne seront pas touchés et que l'ancien système était désuet.