Le premier ministre Stephen Harper a évoqué le cas de la famille Shafia, vendredi, alors qu'il était de passage à Montréal afin d'annoncer le soutien d'Ottawa à un programme de prévention contre les crimes d'honneur.

M. Harper a visité un centre montréalais pour les victimes de violences familiales afin de dénoncer les crimes commis contre les filles et les femmes au nom de «l'honneur».

Il a qualifié ces actes de «barbares» et d'haineux» avant de promettre près de 350 000 $ pour financer un programme du Bouclier d'Athéna - Services familiaux visant à prévenir ce genre de pratiques à Montréal.

«Récemment, la tragédie des filles Shafia a profondément touché la population canadienne», a déclaré Stephen Harper lors d'une allocution prononcée au centre en présence du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu et de la secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Shelly Glover.

«Tous les Canadiens et les Canadiennes, peu importe la couleur de leur peau ou quel Dieu est dans leurs prières, ont le droit inaliénable à la sécurité et à la vie, a-t-il poursuivi. Il est de notre devoir d'assurer que les victimes de ces meurtres incompréhensibles n'aient pas souffert pour rien.»

Originaire de l'Afghanistan, la famille Shafia s'était installée à Montréal à son arrivée au Canada en 2007. En janvier dernier, trois de ses membres, le père Mohammed, sa deuxième femme Tooba Yahya et leur fils Hamed, ont été reconnus coupables des meurtres de Zainab, Sahar et Geeti, filles et soeurs des accusés, ainsi que de Rona Amir, première épouse du paternel.

Les quatre corps avaient été retrouvés en juin 2009 dans une voiture au fond d'un canal à Kingston, en Ontario. Durant le procès, la Couronne a fait valoir que les soeurs Shafia, qui étaient âgées de 19, 17 et 13 ans, et la première femme, âgée de 52 ans, avaient été tuées afin de laver l'honneur familial.

Les employés du Bouclier d'Athéna - Services familiaux ont profité vendredi de la visite du premier ministre pour discuter de leur travail avec les reporters.

La directrice général du centre, Melpa Kamateros, a révélé qu'elle avait remarqué que le nombre de crimes d'honneur rapportés était en hausse depuis les dernières années. Elle a attribué cette augmentation au fait que les gens étaient plus au courant du problème et plus disposés à parler.

«Nous avons eu des cas qui ressemblaient beaucoup à celui des Shafia. Nous les avons traités d'une certaine manière et nous n'avons eu aucun impact négatif dans ces dossiers», a raconté Mme Kamateros. Elle a donné l'exemple d'une femme qui avait été sauvagement attaquée puis amenée au centre. «Un homme membre de la famille n'aimait pas la façon dont elle s'habillait et son attitude», a-t-elle précisé.

Le Bouclier d'Athéna - Services familiaux travaille à sensibiliser différentes communautés aux abus contre les femmes et aux droits des femmes au Canada, et ce, dans 14 langues.

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement conservateur aborde le délicat sujet des crimes d'honneur. Et ses tentatives antérieures n'ont pas toujours été heureuses.

En 2010, la ministre Rona Ambrose avait semé la confusion en suggérant que les crimes d'honneur soient ajoutés au Code criminel. Sa proposition avait choqué bien des experts, qui avaient soutenu qu'une telle politique compliquerait le travail des procureurs par rapport aux preuves et rendrait plus difficile la condamnation des coupables.

Après une série de déclarations vagues et contradictoires provenant de différents membres du gouvernement sur une période de plusieurs semaines, les conservateurs avaient finalement rejeté l'idée.

Vendredi, Stephen Harper a également parlé de beaucoup d'autres sujets en répondant aux questions des journalistes réunis dans la circonscription d'Outremont, qui est représentée par le candidat à la chefferie du Nouveau Parti démocratique, Thomas Muclair.

Questionné sur les chances que les conservateurs élisent un jour une femme à leur tête, M. Harper a répliqué que la seule femme à avoir été première ministre du pays était la conservatrice Kim Campbell. Il a dit espérer que la chose se reproduise dans l'avenir, tout en rappelant que c'était les circonscriptions qui choisissaient leurs candidats.

Les médias ont aussi demandé au premier ministre si son gouvernement n'avait pas donné des munitions aux indépendantistes québécois en prenant récemment une série de décisions qui s'étaient révélées impopulaires dans la province. Il a répondu avoir plutôt vu le contraire, assurant qu'il avait l'impression que le mouvement souverainiste avait décliné depuis l'arrivée des conservateurs au pouvoir.

Stephen Harper a également indiqué qu'il n'avait pas l'intention de rouvrir le débat sur la peine de mort parce qu'il ne croyait pas qu'il y avait consensus sur la question.