Le coup de hache que s'apprête à donner le ministre des Finances Jim Flaherty dans les dépenses du gouvernement dans son prochain budget fait déjà frémir les provinces, les employés de l'État, de même que les partis de l'opposition.

Certaines provinces - le Québec et l'Ontario en particulier - sont aux prises avec de graves problèmes budgétaires et craignent de faire les frais de la lutte au déficit qu'entreprend le gouvernement Harper.

Les syndicats représentant les quelque 300 000 fonctionnaires fédéraux soutiennent que les compressions envisagées par le ministre Flaherty - huit milliards de dollars par année d'ici trois ans - entraîneront la perte de quelque 60 000 emplois.

Le NPD, le Parti libéral et le Bloc québécois sont pour leur part convaincus que les conservateurs seront guidés par une idéologie aveugle plutôt que par le gros bon sens lorsqu'ils annonceront leur plan de compressions budgétaires le 29 mars.

Mais tout indique que l'exercice de réduction des dépenses visant à éliminer un déficit de 30 milliards de dollars d'ici 2014-2015 causera plus de peur que mal une fois que la poussière sera retombée. «Ce que nous allons annoncer comme compressions, c'est vraiment de la petite bière comparativement à ce que les libéraux de Jean Chrétien ont fait dans les années 90», a confié à La Presse une source conservatrice digne de foi.

D'abord, les provinces peuvent dormir tranquilles. Pas question de toucher aux paiements de transferts qui leur sont remis pour financer les programmes sociaux. Certes, l'augmentation du transfert en santé - actuellement de 6% par année jusqu'en 2016 - sera limitée l'année suivante à la croissance du produit intérieur brut nominal, qui tourne autour de 4%. Et le ministre Flaherty a fixé un plancher annuel de 3% si jamais l'économie canadienne devait tourner à vide pendant une année.

Quand les libéraux de Jean Chrétien ont entrepris la lutte au déficit de 42 milliards de dollars, avec le dépôt du budget de 1995, les transferts aux provinces en argent comptant sont passés de 17,5 milliards de dollars à 12,5 milliards en trois ans, une réduction de près de 30%.

«Nous n'allons pas éliminer le déficit en le pelletant dans la cour des provinces. Nous allons y arriver en faisant d'abord et avant tout le ménage dans notre propre cour», avance-t-on dans les rangs conservateurs.

Fonction publique

Pour rétablir l'équilibre budgétaire, le gouvernement Chrétien a aussi annoncé l'élimination de 45 000 emplois dans la fonction publique en trois ans.

Les conservateurs calculent que des emplois seront supprimés dans le cadre de leur lutte au déficit échelonnée sur trois ans, mais ils croient que les pertes seront minimisées par les départs à la retraite de fonctionnaires.

«Bon an, mal an, il y a environ 11 000 personnes qui quittent la fonction publique. Cela va amortir le coup», explique-t-on.

En 2008, dans son rapport annuel au premier ministre sur la fonction publique, l'ancien greffier du Conseil privé, Kevin Lynch, s'inquiétait d'ailleurs du départ massif, dans un avenir rapproché, des baby-boomers employés par le fédéral, notant que «plus du quart des fonctionnaires seront admissibles à la retraite sans pénalité d'ici 2012».

À l'époque où les libéraux ont décidé d'éliminer le déficit, le Canada était la risée des grands journaux financiers du monde. En 1995, le Wall Street Journal avait même qualifié le pays de membre «honoraire du tiers-monde». La dette était devenue un problème: elle équivalait à 68% du PIB . Aujourd'hui, la dette correspond à 33% du PIB et le Canada, grâce aux efforts des années 90, est perçu comme un modèle à suivre par la communauté internationale.

Augmentation des dépenses

Mais, fait à noter, sous la houlette des conservateurs, les dépenses des programmes du gouvernement (excluant les frais de la dette) sont passées de 175 milliards de dollars en 2005-2006 à 251 milliards en 2011-2012, une hausse de 76 milliards en six ans (43%). La dette accumulée, elle, est passée de 457 milliards en 2007-2008 à 640 milliards en 2014-2015, une fois que le déficit aura été éliminé. C'est un bond de près de 180 milliards.

À titre de comparaison, sous les libéraux de Jean Chrétien dans les années 90, les charges de programmes sont passées de 123 milliards en 1994-1995 à 118 milliards en 1999-2000, malgré une hausse de l'inflation durant cette période. Et les nombreux surplus engrangés à partir de 1997 ont permis de rembourser 105 milliards de dollars de la dette accumulée en 11 ans.

Le budget de 2012-2013 doit donc permettre «un retour à la normale» pour le gouvernement Harper, soit un retour à la période précédant la crise économique mondiale de 2008.

Tous ces chiffres rendent tout de même certains militants conservateurs nostalgiques. Car pour eux, le vrai gouvernement conservateur, sur le plan fiscal, était au pouvoir dans les années 90... et il était dirigé par un certain Jean Chrétien.