Le chef intérimaire du Parti libéral Bob Rae tient mordicus à rappeler aux Québécois que la vision du Canada de Stephen Harper ne correspond pas à celle d'une majorité de Canadiens.

Et il serait malhonnête de faire croire aux Québécois, comme souhaite le faire le Parti québécois durant la prochaine campagne électorale, que le Canada sous la gouverne des conservateurs demeurera ainsi ad vitam aeternam.

Dans une entrevue accordée à La Presse, M. Rae a d'ailleurs indiqué qu'il n'hésiterait pas à remettre les pendules à l'heure à cet égard si les forces souverainistes au Québec tentaient de faire de la prochaine campagne une sorte de référendum sur le bilan du gouvernement Harper.

Il a dit souhaiter ne pas intervenir dans une campagne provinciale, mais il a fait savoir qu'il compte bien répondre aux questions si on l'interroge à ce sujet.

«Oui, je suis prêt à intervenir. J'ai la détermination de le faire. Je dis toujours aux gens que je suis prêt à le faire n'importe quand. J'ai parlé de cette question à M. Charest. Je lui ai dit: "Soyez tout à fait conscient qu'il y a des alternatives et que la majorité des Canadiens ne pense pas comme M. Harper"», a dit M. Rae.

«Je ne veux pas intervenir dans une élection provinciale. Normalement je ne le ferais pas. Mais si on me pose des questions, je serai prêt à répondre pour remettre les pendules à l'heure», a-t-il ajouté.

Au cours des dernières semaines, Pauline Marois a multiplié les attaques contre le gouvernement Harper, l'accusant de mettre de l'avant des orientations qui vont à l'encontre des valeurs et des intérêts des Québécois.

Elle a notamment souligné l'abolition du registre des armes d'épaule, le rejet du protocole de Kyoto, la nomination de deux juges unilingues anglophones et du vérificateur général, ainsi que la promotion de la monarchie britannique dans les institutions canadiennes.

«Non seulement le Québec n'a pas avancé depuis le référendum de 1995 au point de vue constitutionnel, mais depuis l'arrivée des conservateurs de Stephen Harper au pouvoir à Ottawa, le Québec recule», a lancé Mme Marois le mois dernier.

Options de rechange

En entrevue, M. Rae s'est dit «troublé» par le «manque de sensibilité de la part du gouvernement fédéral envers les Québécois, envers le sens du Canada que les Québécois ont toujours eu à travers les années».

«C'est pourquoi je dis à mes amis québécois qu'il ne faut pas penser que M. Harper, c'est le Canada. Il ne faut pas exagérer. Je sais bien que Mme Marois veut pouvoir attaquer M. Harper comme étant l'image du Canada. Mais ce n'est pas le cas», a-t-il dit.

D'où l'importance, selon lui, de rappeler aux Québécois qu'il existe des options de rechange au gouvernement Harper et qu'une majorité de Canadiens ne partage pas ses politiques. «Je pense que cela va exiger de notre part encore des efforts. Je m'engage à le faire et le Parti libéral est déterminé à le faire.»

Même si le Bloc québécois a été réduit à quatre sièges au dernier scrutin après avoir dominé la scène fédérale au Québec pendant deux décennies, M. Rae avait mis en garde ses collègues fédéralistes que la partie était jouée.

Le temps semble lui donner raison. Un sondage publié la semaine dernière par l'agence QMI plaçait le Bloc québécois en tête dans les sondages pour la première fois depuis les élections. Ce sondage, réalisé par la firme Léger Marketing, donnait le Bloc québécois 31% des voix contre 27% au NPD, 22% au Parti libéral et 14% au Parti conservateur.

Sur la scène provinciale, le Parti québécois de Pauline Marois a aussi pris la tête dans les intentions de vote, récoltant 33% des voix contre 28% au Parti libéral du Québec et 24% à la Coalition avenir Québec, selon un sondage réalisé par la firme Léger Marketing et publié dans Le Devoir il y a 10 jours.

«J'ai toujours dit à mes collègues que la question primordiale pour notre pays reste toujours l'unité. La vague orange du NPD n'est plus. Il y a toutes sortes de nouvelles options se présentent», a dit M. Rae.