Le vérificateur général du Canada a les ministères de la Défense et des Travaux publics dans le collimateur au sujet du controversé programme d'avions de chasse F-35.

Des sources au sein du gouvernement ont révélé qu'une copie de la version préliminaire du rapport circulant à Ottawa laisse entendre que les forces aériennes canadiennes n'auraient pas fait leurs devoirs en ce qui a trait aux prix des appareils, et n'auraient pas suivi les règles en matière d'approvisionnement.

On ignore pour l'instant si le ton sera moins dur dans le rapport final, le premier que livrera Michael Ferguson en tant que vérificateur général, le 3 avril.

Les sources soutiennent que les critiques formulées dans le brouillon sont prématurées puisqu'elles portent sur un achat qui n'a pas encore eu lieu.

«C'est dur, mais comment le vérificateur général peut évaluer un achat qui n'a pas eu lieu?», a fait valoir un haut responsable, ayant requis l'anonymat.

«Le processus de sélection, on peut l'évaluer. Mais ils présupposent qu'une décision sur l'acquisition a été prise, alors que ce n'est pas le cas.»

Julian Fantino, le ministre responsable de l'approvisionnement au ministère de la Défense, a tenu des propos similaires devant un comité de la Chambre des communes la semaine dernière. Il est même allé un peu plus loin en disant qu'Ottawa se réservait encore le droit de se retirer du coûteux programme.

D'après les sources, l'examen sévère du vérificateur général est à l'origine du changement de position du gouvernement de Stephen Harper dans ce dossier depuis quelques semaines, qui est passée d'un engagement ferme à un léger scepticisme sur un programme qui compte des dépassements de milliards de dollars et des années de retards sur l'échéancier.

Le projet du gouvernement conservateur était d'acheter 65 de ces appareils.

Les sources indiquent que le gouvernement Harper avait été averti l'année dernière de ne pas être si catégorique dans son appui au programme, particulièrement dans la foulée des critiques du directeur parlementaire du budget Kevin Page sur les coûts estimés des forces aériennes.

Les politiciens auraient été incités à dire qu'«ils se pencheraient sur le programme» et qu'une signature formelle se situait «dans les trois années à venir».

Mais l'avertissement semble avoir été ignoré, alors que se profilaient les élections au cours desquelles les libéraux voulaient faire de l'achat des F-35 un point central de leur campagne.

Les conservateurs avaient insisté pour dire que leur engagement de juillet 2010 sur les avions de chasse de Lockheed-Martin comme remplacement des CF-18 était définitif.

Un haut responsable a souligné que les forces aériennes n'avaient pas à prendre de décision sur le remplacement des CF-18 des années 1980 avant quelques années, et que l'annonce de 2010 avait tout à voir avec le positionnement des entreprises et du secteur de l'aérospatial pour les contrats des F-35.

Les conservateurs ont persisté à dire que les coûts totaux de l'achat des appareils et du soutien du programme seraient entre 14 milliards $ et 16 milliards $, en faisant l'achat militaire le plus dispendieux dans l'histoire canadienne. Mais M. Page et les détracteurs du programme ont contesté cette évaluation, faisant état d'estimés allant jusqu'à 29,5 milliards $.