L'acquisition des chasseurs F-35 est déjà beaucoup plus coûteuse que prévu, mais le lancement d'un appel d'offres pour évaluer d'autres modèles pourrait également se transformer en gouffre financier. Ce processus coûterait 900 millions de plus aux contribuables si le Canada devait, au bout du compte, opter pour les mêmes avions.

C'est du moins la mise en garde que font les hauts placés du ministère de la Défense nationale à leur patron, le ministre de la Défense Peter MacKay, dans une note d'information que La Presse a obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Dans cette note, datée du 30 mai 2011, soit plusieurs mois avant que la controverse au sujet de l'explosion des coûts d'acquisition des 65 avions F-35 n'éclabousse le gouvernement Harper la semaine dernière, les hauts fonctionnaires du ministère de la Défense ont multiplié les mises en garde pour éviter qu'on reprenne tout le travail à zéro.

Le Canada participe depuis 1997 au programme de conception et de construction des F-35, également connu sous le nom de Joint Strike Fighter, avec huit autres pays, dont les États-Unis et la Grande-Bretagne.

«En achetant les F-35 par l'entremise de l'entente de 2006 [phase 3 du programme], le Canada évitera de payer environ 850 à 900 millions de dollars en frais qui seraient autrement imposés par les États-Unis afin de récupérer les coûts de conception ainsi que les frais militaires de vente à l'étranger. Si nous devions nous retirer du programme, et acheter des avions F-35 à la suite d'un appel d'offres, ces frais devraient être ajoutés aux coûts totaux», soutient-on dans la note au ministre MacKay.

Le gouvernement Harper a fait part de son intention d'acheter 65 appareils en 2010. À l'époque, il avait calculé les coûts d'acquisition à 9 milliards de dollars - 15 milliards en tenant compte des coûts d'entretien.

Mais dans un rapport accablant publié la semaine dernière, le vérificateur général Michael Ferguson a conclu que le ministère de la Défense a sous-estimé les coûts de ces appareils de 10 milliards de dollars.

Le chien de garde des contribuables a aussi soutenu que les responsables de la Défense et ceux des Travaux publics avaient manqué de «diligence» et omis de superviser correctement le processus. Pis encore, ils auraient également dissimulé les coûts réels.

Après la publication du rapport, le gouvernement Harper a annoncé un nouveau mécanisme de surveillance du processus d'achat des F-35, un secrétariat interministériel formé de sous-ministres afin de superviser le tout. Le ministère de la Défense se voit ainsi retirer tout rôle prépondérant dans ce dossier.

L'opposition demande un appel d'offres

Le député néo-démocrate Matthew Kellway a soutenu que les frais de 900 millions de dollars invoqués par les hauts fonctionnaires de la Défense nationale ne doivent pas empêcher le gouvernement Harper de lancer un nouvel appel d'offres.

«Cela me rappelle les tactiques utilisées par des concessionnaires automobiles pour réaliser une vente. Ils exercent de la pression en disant que la vente se termine aujourd'hui et que si on revient demain, il sera trop tard. Cela ne tient pas la route», a dit M. Kellway.

Au bureau du ministre associé de la Défense, Julian Fantino, on affirme que les 900 millions de dollars représentent déjà des économies importantes sur le coût total des appareils. «Acheter les F-35 en vertu de l'entente de 2006 représente la façon la moins coûteuse d'obtenir ces appareils», a affirmé Chris McCluskey, porte-parole de M. Fantino.

- Avec William Leclerc