Jean Charest a subitement changé de discours sur la possibilité que les Québécois soient convoqués aux urnes rapidement. Lui qui soutenait, il y a quelques semaines encore, que 2008 «ne serait pas une année électorale» est tout à coup devenu moins catégorique hier.

Amené à discuter publiquement de son plan de match après le scrutin fédéral, à l'issue du conseil général de son parti, le premier ministre Jean Charest s'est contenté hier de louvoyer. Il a soigneusement évité d'écarter l'hypothèse qu'il déclenche lui-même des élections, une fois terminé le Sommet de la Francophonie, le 17 octobre.

 

La Presse a rapporté hier que Jean Charest jonglait désormais avec l'idée d'aller chercher un mandat renouvelé, en utilisant comme prétexte la situation économique inquiétante et la nécessité de faire contrepoids aux conservateurs de Stephen Harper.

La ferveur électorale a gagné plusieurs élus, indique-t-on dans les coulisses, et semble avoir déstabilisé les proches conseillers du premier ministre, jusqu'ici plutôt perplexes face à l'idée d'un scrutin hâtif.

En point de presse, M. Charest n'a pas exclu que la situation économique américaine puisse l'inciter à déclencher des élections dans la province. «On verra où la crise financière aux États-Unis ira» a-t-il laissé tomber.

«C'est encore hypothétique», s'est-il contenté de répondre quand on lui a demandé si l'éventualité d'un gouvernement Harper majoritaire à Ottawa ne le disposerait pas à demander aux Québécois un appui renouvelé. Toutefois, le premier ministre a rappelé que son agenda est bouclé jusqu'à la fin de 2008. Une mission en Chine est d'ailleurs déjà prévue au début de novembre.

Au cours des derniers jours, comme pour préparer le terrain, Jean Charest a multiplié les interventions en se présentant comme défenseur des intérêts du Québec.

En fin de semaine, les libéraux ont d'ailleurs adopté une série de résolutions pour donner plus de muscle à l'application de la Charte de la langue, sans aller toutefois jusqu'à préconiser des amendements législatifs. Le PLQ revient à la charge avec les demandes de l'époque du lac Meech, mais parle cette fois de «spécificité» du Québec plutôt que de son «caractère distinct». Il n'est toutefois pas question de réclamer la réouverture du dossier constitutionnel. Ce sont «des aspirations... à long terme», a prévenu samedi le ministre Benoît Pelletier.

Désireuse de réagir à ces propos, la chef péquiste Pauline Marois a convoqué la presse tout de suite après le rassemblement libéral. «Jean Charest n'a rien fait pendant cinq ans, il a ronronné, et tout à coup, au moment des élections fédérales, il se pose en défenseur des intérêts du Québec. Il peut repasser», a-t-elle lancé. Pour Mme Marois, la reconnaissance du Québec comme «nation» aux Communes doit bien davantage aux pressions de Gilles Duceppe qu'aux efforts de Jean Charest. Quant aux autres avancées, selon Pauline Marois, elles ont été réalisées sous des gouvernements péquistes.

À propos de potentielles élections, la chef du PQ s'en remet au plan de match de l'adversaire: elle ignore si Jean Charest est pressé d'en découdre, «mais on doit être prêts n'importe quand, on n'a pas le choix».

Plan Nord

Ces spéculations préélectorales ont occulté hier le plan de match des libéraux. À grand renfort de vidéos et de cartes, M. Charest a annoncé son désir de développer les ressources importantes du Nord du Québec.

«Dans les prochaines années, on va repousser les limites de notre dernière grande frontière, le Nord du Québec», a-t-il lancé, devant un déploiement impressionnant d'images sur écran géant, une évocation de l'annonce de la baie James par Robert Bourassa en 1971.

Cette fois, les militants n'ont pas eu droit, comme en 1970, à l'annonce de projets précis. M. Charest a fait un long inventaire de mines en développement, de projets hydroélectriques prévus ou en cours et de routes à terminer, sans identifier d'initiatives nouvelles.

Deux anciens ministres, le libéral Pierre Corbeil et le péquiste Michel Létourneau, ont depuis l'été le mandat de consulter les populations locales, a indiqué M. Charest. Ceux qui connaissent le Nord savent qu'il faut d'abord consulter les gens qui sont les premiers touchés, a-t-il insisté. Il y aura une «rencontre», prévoit M. Charest, mais il n'a pas voulu donner d'échéancier. Le fédéral conserve sa prérogative auprès des autochtones, précise-t-il. L'exploitation des ressources naturelles devra générer des redevances pour les populations locales. Il faut penser à des ententes comme celle conclue entre Québec et Alcan, en 2006, auxquelles le gouvernement peut mettre un frein s'il juge que les ressources naturelles sont dilapidées ou si elles ne suscitent pas suffisamment de retombées au Québec.

Pour Jean Charest, le débat nouveau autour du passage du Nord-Ouest, une voie de navigation désormais accessible avec le réchauffement de la planète, augmentera l'importance pour le Québec «d'occuper son territoire». Le gouvernement Harper l'a déjà fait cet été pour marquer la souveraineté canadienne sur des territoires près du pôle, une réalité contestée par les Américains.