Le gouvernement Charest «ne respecte pas l'esprit de la loi» antidéficit lorsqu'il présente la situation financière du Québec, a affirmé hier le vérificateur général, Renaud Lachance. Sa déclaration vient soulever un doute sur les chiffres de la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui dit avoir dégagé une réserve de 2,3 milliards de dollars pour faire face au ralentissement économique.

Renaud Lachance a refusé d'infirmer ou de confirmer l'existence d'une telle réserve budgétaire, même s'il a terminé la vérification des états financiers pour l'année 2007-2008. Son rapport est prêt, mais il ne peut en révéler le contenu. C'est que le gouvernement n'a toujours pas déposé les états financiers 2007-2008 à l'Assemblée nationale, qui sera dissoute aujourd'hui pour la tenue des élections. Or, l'an dernier, ces documents avaient été présentés en octobre, a souligné M. Lachance.

Le vérificateur général s'est toutefois prononcé sur une partie de la mise à jour économique de Monique Jérôme-Forget. La grande argentière du gouvernement dit avoir maintenu l'équilibre budgétaire tout en accumulant une réserve budgétaire de 2,3 milliards de dollars, dont 1,3 milliard proviennent de l'exercice 2006-2007. Or, dans un rapport déposé en juin, le vérificateur général estime plutôt que le gouvernement a fait passer son déficit cumulé de 5,3 à 5,8 milliards de dollars.

Renaud Lachance dit avoir «des façons rigoureuses de calculer». Il se base sur la Loi sur l'équilibre budgétaire, qui a été adopté en 1996 et vise à rendre plus limpides les opérations du gouvernement.

Monique Jérôme-Forget base quant à elle ses calculs sur un projet de loi qui n'a pas encore été adopté par l'Assemblée nationale et qui lui permettrait d'effacer le déficit cumulé, a indiqué M. Lachance.

Blâme

Dans le tome I de son rapport annuel déposé hier, Renaud Lachance blâme sévèrement le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et ses agences régionales. Ces derniers versent année après année des millions de dollars à des organismes communautaires sans faire une réévaluation périodique de ces subventions et bien souvent sans vérifier adéquatement leur utilisation.

«Étant donné qu'il n'y a pas de réévaluation, on ne peut s'assurer que toutes les sommes demandées par les organismes communautaires sont effectivement requises», peut-on lire dans le rapport.

Le MSSS et ses agences régionales ont versé 400 millions de dollars l'an dernier à 3400 organismes à but non lucratif.

Or, plus de 270 organismes accumulent des surplus qui dépassent les limites permises et totalisent 13,7 millions de dollars. Mais ces surplus ne sont pas pris en compte dans le calcul des subventions. Par exemple, un organisme accumule des excédents année après année, qui ont totalisé 193 385$ au 31 décembre 2006, c'est-à-dire presque quatre fois ses dépenses annuelles de fonctionnement. Pourtant, sa subvention est passée de 20 706$ en 2002-03 à 61 613$ en 2006-07.

Une maison d'hébergement pour femmes violentées ou en difficulté comprenant six lits a vu sa subvention passer de 58 832$ à 406 817$ entre 2002-2003 et 2006-2007. Mais elle a hébergé seulement neuf personnes en 2006-2007, son taux d'occupation a été de 12% (alors que le seuil minimal est d'au moins 50%) et son surplus a atteint 205 953$ (pour un excédent accumulé de 555 362$).

Suivi inadéquat

Québec verse des subventions sans justification et fait un suivi inadéquat de l'utilisation des sommes allouées. Par exemple, le MSSS a donné une subvention supplémentaire de près de 9000$ à un organisme sans que celui-ci n'ait présenté un projet. Il n'a pas précisé à quoi devait servir la subvention. L'organisme a finalement utilisé l'argent pour réparer son garage.

Les subventions annuelles couvrent parfois des dépenses «surprenantes», comme Renaud Lachance l'a découvert dans un organisme: 9278$ pour des repas pris au restaurant et l'achat d'essence par le président du conseil d'administration, 2436$ pour son téléphone cellulaire, 830$ en lunettes et lentilles cornéennes pour le directeur et un employé.

Renaud Lachance reproche par ailleurs à certains cégeps de se lancer dans de coûteuses aventures avec des partenaires d'affaires. Le ministère de l'Éducation a dû verser 2,5 millions de dollars au cégep du Vieux Montréal le printemps dernier parce qu'il a réalisé une perte de 10 millions de dollars avec la vente d'une résidence pour étudiants construite récemment.